Qu'il fait chaud, fait chaud, fait chaud…

Delphine (à gauche) a parlé nettement plus tard que sa soeur (à 6 mois près), mais rassurez-vous, elle s’est largement rattrapée depuis.

Je dis cela pour ceux qui face à un cadet ou un petit dernier, s’inquiètent d’un éventuel retard qui sera normalement fatalement rattrapé en temps et en heure.

Pour le premier rien n’est jamais fait assez tôt, pour le second, il aura bien le temps, pour le troisième, le plus tard sera le mieux.

  • Flanquer les clefs de voiture dans les toilettes
  • Réveiller toute la maison à 5 H 30
  • Traiter le médecin de « patate »
  • Raconter les chroniques familiales à tout le monde
  • Gribouiller la déclaration de revenus avec votre crayon khôl,
  • Faire des décorations intéressantes (pour lui) sur la peinture fraîche (suivez mon regard).
  • Et j’en passe évidemment (suivez toujours mon regard).

Je suppose que pour le quatrième et les suivants au cazoù, on se résigne à leur faire téter des frites trempées dans le ketchup dès la maternité, pour qu’ils la bouclent (en toute innocence bien sûr), enfin bref que l’on est totalement cool…

Donc, Delphine parlait parfaitement bien, et contrairement à sa soeur, avait vraiment du culot. Elle adressait la parole à un peu tout le monde, passé ses 18 premiers mois à scruter  les inconnus d’un air suspicieux, genre « voyons voir ».

Pour Pulchérie, le pauvre coincé à la caisse de Carrouf, me précisait « c’est bon, on dit bonjour elle dit le reste. »

Pour Delphine « elle me regarde comme si QUE j’étais un serial killer ».

Le même, jamais content : elle répond c’est trop, elle ne répond pas, c’est indigne…

Bref il faisait chaud depuis 2 jours, chaud chaud chaud et beau (célèbre contrepèterie belge), et un beau matin, voici les trésors de ma vie me réveillant à 9 H 30 vers la mi août.

(Oui, j’ai toujours eu une répulsion naturelle pour ceux qui vous réveillent à 5 H 30, le biberon peut attendre, et donc, n’est-ce pas, bien sûr, mes filles n’étaient pas spécialement matinales…) (la mère indigne) .

  • Mamannnnnnn, il fait beau et chaud, et si qu’on allait aux étangs de Hollandes ?!
  • Grummmf… Moi aussi je serais bien partie me baigner, mais…
  • Impossible avant après demain mes chéries, j’ai eu mes mes règles hier soir…
  • Tu n’as qu’à mettre un tampon (Pulchérie renseignée). La maman de Joël met des tampons et elle fait ce qu’elle veut, comme dans la pub !

J’emmerdais à pied à cheval et en voiture la mère de Joël et la pub, faisant partie des femmes pour qui pendant 3 jours le tampon n’offrait qu’une protection toute relative, pendant une heure maximum, avant fuite révélatrice…

Mes réelles hémorragies mensuelles laissant de marbre les gynéco, pourvu que cela ne dure pas plus de 5 jours… (et c’était des femmes !)

Les filles savaient parfaitement ce dont il s’agissait en attendant avec hâte que cela leur tombe dessus, et surtout désirant savoir quand (chez ma soeur, elles m’ont toutes les deux fait cela la première fois, alors qu’elles étaient en vacances ou WE avec ma soeur !… et je n’ai donc eu droit qu’à un coup de téléphone HEU-REUX : « maman, j’ai mes règles enfin) ». Elles ont déchanté PLUS TARD). (Faites des gosses)…

Je n’avais jamais parlé d’un péché originel quelconque, impureté ou autres conneries, et tout à coup elles considéraient ce « privilège qui fait femme », comme une contrainte insupportable (pour elles).

Bref, c’était NON pour la baignade et ma progéniture descendit s’engueuler dans la cuisine pour savoir qui terminerait le chocolat, avant que je ne descende. 5 minutes étaient le maximum avant étripage en bonne et due forme…

1 heure après je ne sais plus ce que je faisais, quand j’entendis Delphine apostropher de la fenêtre de sa chambre, la voisine du fond du jardin.

  • Bonjour madame Richard !
  • Bonjour la pitchoune !
  • Il faut beau aujourd’hui, il fait toujours très chaud, et d’ailleurs…

Accourue dès la première phrase, j’ai dit « bonjour madame Richard », avant de refermer la fenêtre.

Car je sentais bien la suite :

  • On serait bien allées se baigner aux étangs de Hollande, mais maman a ses règles
  • Et du coup il faut attendre dans deux jours,
  • Parce que les tampons et elle ce n’est pas ça et qu’on est bien peu de chose…
  • Et blablabla…

Je ne sais pas si vous l’avez remarqué, mais depuis que le monde est monde, les femmes peuvent dépenser une énergie incroyable pour que le phénomène soit ignoré.

Mrs Morgan, de qui je tenais mes règles hémorragiques, était de l’époque « serviettes en tissu » (couches pour bébé idem d’ailleurs). A laver donc, et comble de l’horreur, l’eau s’évacuait dans le caniveau. Eau que tout le monde pouvait voir.

Sa mère et elle-même, concentraient leurs lessives mensuelles pour un même jour, diluant le plus possible chaque eau de rinçage pour qu’aucun flux rouge trop évident ne révèle à qui que ce soit, qu’il s’était passé quelque chose (de pourtant fort naturel).

Quant à faire sécher la lessive « de la honte » dans le jardin, alors que cela pouvait être surpris par des voisins, c’était JUSTE impossible.

Donc il fallait JUSTE rallumer le poêle pour procéder au séchage en toute discrétion. Canicule ou pas d’ailleurs…

Au cas où les voisins penseraient JUSTE qu’une femme de 38 ans et sa fille de 16 échappaient à la malédiction mensuelle…

Juste étant le mot à la mode, vous m’excuserez du peu

J’étais assez âgée pour comprendre quand elle m’expliqua le pourquoi de la chose. Règles en retard, polichinelle dans le tiroir, règles de retour, avorteuse au grand jour peut-être ? Et dénonciation possible même s’il ne s’agissait pas de cela…

Je n’en étais plus là.

Mais bon Madame Richard n’avait pas à savoir pourquoi nous n’irions aux étangs que quelques jours plus tard…

Alors que ma fille, en toute innocence, était prête à révéler le secret de ma vie…

Qui n’est qu’un long calvaire…