La saga du Prince Eric…

Là évidemment, je vais plutôt faire appel à la mémoire de certains… Mais je tenais à en parler, parce que je voulais relire cette saga et que je viens de le faire. Toujours chez mes parents, à l’abri tutélaire de leur amour et de leur force…

Quel été était-ce ? Ma petite soeur était là, mais plus tout bébé, donc je dirais 1970. C’est l’année où j’ai renoncé à aller à la messe et donc affronté Mrs Tricot, ce qui me préparait à mes lectures futures…

Pour des raisons obscures, parents et grands parents n’avaient pas pu avoir la location en Bretagne, comme de coutume. Restait à se réfugier dans une maison dans le nord nord du Cotentin : les Gougins St Marcouf… C’est là que j’avais enfin su nager trois ou quatre ans  plus tôt…

Le temps n’y était pas génial, la plage ce n’était pas cela, mais au moins il y avait une bibliothèque tenue par une amie de Mrs Tricot qui s’était exilée là avec son mari, on ne sait pourquoi. Il faut vraiment vouloir quitter le monde d’une certaine façon, pour aller s’installer là-bas.

Comme le temps n’était pas génial du tout, je pris un premier livre à la bibliothèque. Collection « signe de piste », « La bande des Ayacks » de Jean Louis Foncine, 2ème tome d’une chronique des pays perdus. J’ai accroché immédiatement avec cette bande de gosses qui terrorisent à juste titre tout le monde. Papa RElu le livre avec un petit sourire au coin des lèvres, et m’autorisa à lire les autres signes de piste qui me tomberaient sous la main. Quasi tous, vu la bibliothèque, ma capacité de lecture déjà bien en place, et le temps merdique. Un livre par jour c’était déjà mon rythme.

J’entamais donc (entre autres) la saga du Prince Eric (de Serge Dalens) que mes parents connaissaient bien. D’ailleurs il était bien prévu que si j’avais été un garçon, je me serais appelée Eric. A l’arrivée de mon frère, les Eric étaient trop nombreux, ils ont renoncé au prénom… Ils me l’ont redit aujourd’hui : homme aujourd’hui, je serais Eric…

Il y a 4 tomes que j’ai dévoré :

  • Le bracelet de vermeil
  • Le prince Eric
  • La tache de vin
  • La mort d’Eric.

Dans « le bracelet de vermeil » va se sceller une amitié indestructible entre Christian le brun et Eric le blond du nord. Eric, prince de la principauté imaginaire du Swendenborg, est entré chez les scouts en France, et il a une mission  à remplir, qu’il ne connaîtra que plus tard… A la fin du livre (je vous dissimule les dessous de l’affaire), Christian et Eric sont les meilleurs amis du monde, et Eric repart dans sa principauté.

Dans « le prince Eric », le premier ministre du jeune prince, tente de prendre le pouvoir, après lui avoir trouvé un sosie malade. Ce sont les scouts rendant visite à leur prince, et Christian le premier, qui vont éventer l’histoire. Le complot est déjoué, le prince reprend son rang. Non sans de multiples aventures dont on a peine à se détacher (dîner, pour quoi faire ?)

Dans « la tache de vin », un personnage mystérieux hante tout le livre. Jeune garçon qui ne sort pas de chez lui, mais connait bien Eric, et puis rencontre accidentellement Christian. Un mystère plane, le premier ministre d’Eric n’est finalement pas mort. Là encore, la patrouille des scouts va résoudre le problème, tout en aidant parallèlement un jeune garçon mis à mal par une vieille tante bornée.

« La mort d’Eric » n’est pas un mystère dès le titre. Nous connaissons déjà la fin en nous emparant du livre. Nous sommes en 1939/1940. Christian s’engage, Eric suit une charte particulière qui demande au prince de Swedenborg de servir la France en cas de besoin. Les deux amis vont servir dans le même bataillon de spahis, et retrouver au cours des premiers combats, certains jeunes allemands rencontrés lors du « prince Eric ».

Bien sûr je ne vous révèlerai aucun secret en vous disant qu’Eric meurt, pendant la débâcle de 1940. La préface de l’auteur est intéressante :

« Il ne s’agit plus d’un roman mais bien d’un récit. La fiction s’efface devant la réalité. L’histoire n’est qu’un fil doré, rehaussant l’indifférente tapisserie des faits. Le livre se termine mal. Le Prince n’est pas vengé, le lecteur n’est pas consolé. Les « grandes personnes » seront probablement mécontentes, car ces pages sont tristes, tristes comme la guerre qu’elles perdirent. Sans doute prétendront-elles que ce livre « n’est pas pour les enfants ». Or, je pense, moi, qu’un garçon de quinze, seize, dix-sept ans, est un garçon. C’est-à-dire un homme. Je pense qu’il n’y a pas de raison de le traiter à la paix autrement qu’à la guerre. De le traiter dans sa maison autrement qu’en ces jours de 40 où il courait dans les champs. De lui cacher la vérité. »

Il écrira deux autres livres concernant la saga, mais longtemps après. J’ai préféré les ignorer.

L’ensemble de l’oeuvre de Serge Dalens met en exergue des qualités « courage, fidélité, amitié, honneur, famille, patrie, religion », qui peuvent faire sourire aujourd’hui. Fils d’officier, magistrat qui s’occupa de la cause des enfants vraiment perdus (« les voleurs », « les enfants de l’espérance ») Adulte, je n’adhère pas à toutes ses idées, même si certaines de ses phrases cinglantes peuvent donner à réfléchir. Quelque soit l’esprit de base de l’auteur,  le prince Eric et ses héroïques scouts restent pour moi dans ma jeunesse, ce qui a été un idéal (j’avais 12 ans et le scoutisme était présenté et vécu par ses héros comme une grande aventure).

Papa m’expliqua gentiment qu’il avait été chez les scouts pendant 3 ans, et qu’il n’était pas pour que j’y entre à mon tour, même chez les filles (dans les livres il s’agit de scouts catholiques, et les filles sont parfois mises à l’honneur, comme « dans la forêt qui n’en finit pas »), car je bavais d’envie devant l’esprit d’aventure des livres. Il lui fallu du temps pour qu’il m’explique qu’il n’y avait pas que de bons souvenirs, et qu’à son époque de petit garçon, c’était l’école idéale pour faire para un jour… C’était et c’est toujours son point de vue, même si je sais qu’il reprend la saga d’Eric de temps à autres. D’ailleurs, il m’a rappelé aujourd’hui que garçon, je me serais appelé Eric, et maman tout à coup de réagir « et pourquoi pas Christian ? » (l’ami pour toujours d’Eric).

Ceci n’arrêta pas ma course aux « signes de piste » qui furent réédités peu de temps après ma découverte, un coup de bol,  ré-illustré par le même dessinateur. J’y ai retrouvé les comtes du pays perdu, d’autres livres, Jean Louis Foncine et Serge Dalens étant les auteurs principaux de la série, les parrains de la série « signe de piste », écrivant également « les enquêtes du chat tigre » ensemble, sous le pseudo « Mick Fondal ». Il y avait aussi « Rhorr », le jeune homme de la préhistoire, et d’autres histoires totalement différentes… Ils sont scrupuleusement conservés par les parents, contraints à une époque, d’acheter chaque sortie de livre… (budget grevé, faites des gosses…)

Manquent cruellement, les signes de piste de papa, les éditions d’origine, perdues on ne sait où…

A bien regarder les listes sur internet, il m’apparaît que j’ai lu un nombre impressionnant de ces signes de pistes anciens, durant ce mois de juillet, sans doute pourri et donc après, forcément. Que sont les livres devenus ?…

C’est un souvenir d’extrême jeunesse qui reste ancré en moi. Un jour j’ai retrouvé l’ancienne édition du Prince Eric, chez un bouquiniste, qui a sourit en voyant ma mine émerveillée de femme de 40 ans (j’adorais les illustrations de Pierre Joubert, anciennes ou revues pour les éditions postérieures) : « ça c’est l’esprit des chevaliers teutonique, un autre temps, une autre pensée ».

Oui l’idée n’était pas que le scoutisme. Adulte, je réalise que c’est l’image que l’on avait de la chevalerie, qui est mise en scène par ces auteurs… Car la chevalerie n’a jamais été ce qu’elle se devait d’être. Là, dans les mains d’adolescents purs, on remet la chevalerie au goût du jour. C’est peut-être pour cela que cela m’a tellement plu…

A l’époque pour 20 F, j’ai eu les 4 livres… Qui les lira après moi ? Ce sont des livres pour les adolescents, qui pour l’auteur, représentent un certain esprit et l’avenir du pays… Des adolescents qui n’existent plus comme ils existaient juste avant la dernière guerre mondiale.

Et la fin tragique « Hélas, Eric est mort dans le couloir », me fait toujours monter les larmes aux yeux. C’est le père chirurgien de Christian, l’ami indestructible, qui les mains pleines de sang n’a pas eu le temps de sauver Eric.

Christian partira lui, vers les stalags… Comme mon grand père…

Qui ne lisait JAMAIS un « signe de piste »… Enfin pas devant nous. Car vu le nombre de livres de cette édition qu’il avait acheté à son fils, nous sommes certains qu’il les a tous lus, et sans doute jamais voulu dire en quoi il n’était pas d’accord… (probablement le côté catholique du scoutisme)

Je le répète : adulte je n’adhère pas à tout. Mais l’esprit global des livres me plait finalement : ces valeurs qui se perdent… Celles que la chevalerie a prôné un jour sans jamais la respecter…

Parce que pour le prochain coup, je peux vous faire l’histoire des croisades en 15 volumes… Et vous les verrez les preux chevaliers de notre enfance…