Soignez vos grands parents !

grands-parents-3Déja, il vous faut comprendre qu’entre vos parents et vos grands parents, il y avait déjà un fossé, moins profond qu’entre vos parents et vous, quoique. Et donc, par conséquence, n’est-ce pas bien sûr, qu’entre vos grands parents et vous, c’est parfois le grand canyon du Colorado à tout le moins.

Apprendre à faire avec :

Le téléphone : les grands parents l’ont vu débarquer dans leur vie alors qu’ils avaient 20 ans (au mieux, et sauf exception). Cela reste pour eux un moyen de communication essentiel mais rapide : « venez déjeuner dimanche, bisous, à dimanche ». S’ils ont quelque chose à vous dire, ils le feront dimanche. Seule exception : la grand-mère veuve qui n’arrive pas à joindre votre mère-ce-qui-est-un-scandale et s’épanche sur votre épaule via le combiné. Ne soupirez pas : un jour elle vous manquera.

Evitez de les appeler trop rarement, surtout si c’est pile poil à l’heure où ils dinent, c’est à dire quand vous sortez du troquet où vous avez bu un pot avec des copines après le boulot. En bref, quand ils se préparent à passer une bonne soirée et vous à démarrer enfin la journée pour de vrai.

Dans la même catégorie, reléguez votre portable au vestiaire quand vous êtes chez eux, vous voir déambuler dans leur salon en parlant petit chinois les exaspère profondément : ces jeunes ne peuvent pas se passer d’appeler pendant 6 heures ? Si ! vous pouvez vous passer de téléphone pendant 6 heures.

Toujours en parlant de téléphone, arrêtez de leur proposer un portable pour qu’ils soient joignables n’importe quand : ils n’ont pas envie d’être joignables n’importe quand. Et puis ils auront du mal à lire le clavier pour faire un numéro, et puis il vous faudra leur mettre en place tous les programmes, tout cela  pour que finalement le portable se pétrifie d’horreur dans un placard.

Ne leur parlez pas petit chinois : sms, mms, google, internet, blog, site, facebook, moteur de recherche, mozilla, firefox, c’est un autre monde pour eux. Vous pouvez évoquer très vaguement les anti-virus à l’époque où ils doivent se faire vacciner contre la grippe.

N’apportez pas votre portable chez eux : le minitel ils trouvaient cela saoulant et l’ordinateur est donc un engin presque maudit. Et puis vous courez tout de même le risque qu’ils « s’y mettent ». Et quand vous ferez la hot line en leur expliquant comment vider la corbeille et fermer la fenêtre vous saurez vraiment ce que c’est que d’avoir des regrets…

Non, mamie et papy ne vous serviront pas de sushis et de tofu. Résignez vous et faites régime dès l’avant veille car chez eux c’est cuisine bien de chez nous avec deux excentricités : le chili con carne et la moussaka voire même pour certains, couscous et paella. Suggérez par contre un de vos plats préférés que vous ne savez pas faire, ils seront ravis de vous faire plaisir.

Faites les parler, ils seront contents d’évoquer pour vous leurs souvenirs, leur vie, quelque part vos racines. Et puis il est toujours très drôle d’apprendre que la grand-mère a failli faire clamser son arrière grand mère avec un tout premier « black jean », et que le grand-père a scandalisé sa tante à péter des fauteuils à l’Olympia en allant écouter Gilbert Bécaud qui lui, cassait des pianos.

Evitez le short ras du cul  : ça rappelle à papy votre grand mère qui déchirait sa race dans les années 50/60 en scandalisant la population du village à montrer quasi complètement son cul (dixit l’arrière grand-mère de mamie qui la voyait partir en étant au bord de l’apoplexie), et trop cruellement que plus de 50 ans ont passé trop vite.

Ils sont passés avec plaisir au CD musical et même au DVD qui prend moins de place que les cassettes VHS pour lesquels ils étaient à la pointe du progrès. Inutile par contre de leur causer MP3 et autres modernités qui n’existaient pas encore il y a 10 ans, là, ils saturent malgré leur TV grand écran dernier modèle qui se règle comme une merde dès qu’il est question de TNT.

Enfin, n’oubliez jamais que vous les avez assez traumatisés comme cela quand vous étiez en CE1, à leur demander s’ils avaient connu Vercingétorix.

"Racines" d’Alex Haley…

racinesC’est un roman très connu, mais que beaucoup n’ont pas lu.

C’est l’histoire au départ de Kouta Kinte, Africain né vers 1750 en Gambie, d’Omoro et de Binta Kinte, l’épouse qui donnera 4 fils à son époux, c’est tout ce que l’on sait et plus rien de la suite après… Après…

C’est l’histoire d’un Mandingue à l’époque où les blancs, les toubabs, commencent à être connus sur son territoire, comme enlevant hommes, femmes et enfants pour les manger dit l’histoire populaire. C’est l’histoire d’un jeune africain élevé dans la peur du blanc et du slati (africain vendant les siens aux toubabs).

La première partie est remarquable à lire. C’est l’histoire de Kouta de sa naissance à sa capture. C’est la vie des mandingues au bord du fleuve « kambi bolongo ». C’est une histoire merveilleuse malgré les années difficiles, les disettes, les revers de la vie. C’est l’histoire  d’une vie comme il y en a eu pendant des siècles, dont on sait malgré tout qu’elle va s’interrompre brutalement. On ne peut s’empêcher de suivre Kouta de sa naissance à la fin de sa vie à Djoufourré, sans vouloir croire que tout va se terminer…

Kouta désormais considéré comme un homme dans son village et pour tous les mandingues, part un beau matin chercher du bois pour se faire un tambour.

J’ai lu le livre plusieurs fois : la capture de Kouta par les toubabs, reste toujours un moment d’horreur, un choc pour moi. Comme si l’histoire avait pu changer depuis la dernière fois…

« Les toubabs ! Comment avait-il pu ne pas les entendre, ne pas les sentir ? Il hurla de rage et de désespoir, puis fut assommé et perdit conscience ».

Suit après le long calvaire vécu par les africains capturés pour la traite du bois d’ébène. Kouta ne comprend rien à ce qui lui arrive : il ne pensait pas que l’on pouvait traiter un être humain comme il est traité. Il y a le marquage au fer rouge. Il y a la longue traversée dans des conditions ignobles, vers le pays lointain des toubabs où il sera peut-être mangé. Il y a les blessures, les cris, l’enfermement dans le noir, les bruits qui terrorisent, des hommes baignant dans leurs excréments et leurs vomissures, des hommes blessés à jamais dans leur fierté, car on les considère comme des bêtes, des malades qui meurent des mauvais traitements, les conditions de la traversée, tout simplement, au cours de laquelle environ 50 % des hommes mouraient. Des hommes dont on avait volé deux fois leur vie…

(Car que de gens arrachés à leurs terres, leurs familles, leurs villages, leur vie, qui ont péri « pour rien » lors de ces traversées, de maladie ou de désespoir, ou tout simplement quand on « allégeait » le navire).

Il y a ses réflexions sur l’aspect, l’odeur des toubabs, son incompréhension sur leur mode de vie, sa terreur face à son sort : il a été vendu comme esclave dans une plantation. Il s’en sauvera 3 fois, croyant toujours qu’il pourra retrouver un jour son village natal. La 3ème fois, quand il est repris, on lui coupe la moitié d’un pied, et il va rester boiteux… Toujours sans comprendre comment on peut traiter un homme de la sorte.

Le temps va passer dans une autre plantation, d’un « bon » maître où il est mal vu par les autres esclaves, se déclarant africain et fier de l’être, et se demandant pourquoi les autres ne se demandent pas quelles sont leurs origines… Il va épouser Bell et avoir avec elle une fille, Kizzy, que le maître va vendre quand il apprendra qu’elle sait lire, ce qui est interdit aux esclaves.

Avec la vente de Kizzy, on perd Kouta de vue et on ne saura jamais ce qu’il est advenu de lui. Puis on suit le fils de Kizzy qu’elle met au monde avec honte car il est aussi le fils du maître. Kouta a appris à sa fille le mépris des « sangs mélangés » , des mulâtres. Lui c’est le sang blanc qu’il ne supporte pas. Il lui a aussi appris qu’il s’appelait Kouta Kinte, qu’une guitare, c’était « ko », et un fleuve « kamby bolongo »… Et d’autres termes africains que Kizzy va transmettre à son fils, et son fils à ses enfants après elle…

Pour en arriver à l’auteur et à sa quête émouvante de ses ancêtres, partant de peu…

Kounta Kinetay, Ko, Kamby bolongo…

Alex Haley, homme libre, va rechercher les traces de l’africain et va le retrouver…

Dans un village d’Afrique encore totalement noire, il va, après enquêtes décourageantes et du temps, l’aide précieuses d’africains émus par sa quête, entendre un griot raconter la saga du clan Kinte et savoir enfin, quand le griot dira « et un beau jour, Kounta, le premier fils d’Omoro et de Binta, partit pour la forêt cueillir du bois et on ne le revit jamais plus… »

Après son choc de s’être retrouvé dans une population totalement noire dans laquelle il se sentait mutant et honteux de l’être, il va retrouver ses racines… C’est bien ce Kounta là qui est son ancêtre, il n’y a aucun doute.

Les femmes du village de son ancêtre lui apporteront leurs enfants pour l’imposition des mains, et les villageois vont danser autour de lui pour fêter celui qui avait disparu et est enfin revenu. Et lui aura honte de sa peau café au lait, d’être trop différent…

Rentré aux USA Alex va rechercher la trace de son ancêtre pour avoir une certitude. Kouta Kinte a été capturé auprès du fleuve Gambie (Kambi bolongo) et avait été rebaptisé « Toby » par ses maîtres, nom qu’il refusa toujours, restant mandingue jusqu’au bout de l’histoire que l’on connait de lui.

Et un jour, la preuve de l’arrivée d’un navire portant sa cargaison de bois d’ébène, dont un jeune mâle de 17 ans environ, appelé « Toby »… en 1567

C’était bien lui…

Outre les atroces conditions des captures, des voyages, des ventes, de la vie de ces hommes et femmes qui ne comprenaient rien à ce qu’il leur arrivait, il y a leur point de vue, sur nous, notre civilisation déjà.

Les toubabs ne sont pas les plus beaux, les plus merveilleux. Nous sentons mauvais, nous sommes laids à faire peur, notre monde est incompréhensible et illogique… Nous avons les cheveux jaunes ou rouge, une peau blafarde, peu de muscles, et aucun respect de l’être humain…

Merci Kouta Kinte d’avoir transmis à tes descendants tes origines, et merci à ton arrière, arrière, arrière, arrière, arrière petit fils, d’avoir cherché à te retrouver.

A LIRE ABSOLUMENT ! même si vous avez tendance à pleurer facilement…

Mon seul regret : que grâce au griot, il n’ait pas reconstitué la suite du clan Kinté… Mais il avait déjà fait du beau travail !