Le meilleur café de ma vie d’hotesse…

Blonde rétro 2Tout le monde sait que je déteste le café (enfin mes proches et ceux qui suivent mon blog). Mais il faut savoir que dès mes 15 ans, j’ai voulu faire comme tout le monde et « prendre un petit café » en famille, ou plut tard au bistrot avec des potes de première ou terminale.

Au départ j’ai trouvé cela dégueulasse, comme la cigarette, mais j’ai persisté pour être une grande personne (comme pour la cigarette, moralité, je me débats comme une malade contre ce truc immonde (la cigarette)).

Donc j’ai pris goût au café. Jusqu’au jour où je me suis retrouvée secrétaire médicale à l’hôpital de Rambouillet au service radiologie.

Ne me demandez pas pourquoi après un avis favorable du chef de service je n’y suis pas restée… Je le regrette encore amèrement. Mais à l’époque, dans le privé, une secrétaire était grassement payée, alors que dans le public ce n’était pas ça… Personne ne pourrait prévoir que le secrétariat serait un jour un métier moribond…

Tout le monde carburait au café bien noir au service radio, dont la cafetière devait être détartrée un jour sur deux, donc il y en avait une de secours. Inutile de vous décrire ce qui régnait comme bruit dans le service, en dehors du « ne respirez plus… Respirez ! » : celui d’une cafetière ou l’autre, ou les deux, turbinant plein pot de 8 H à 20 H.

Le service jouxtait à l’époque celui des urgences, où c’était pire : trois cafetières (le truc machin à expresso rapide n’existant pas à l’époque)..

Moi je carburais au café noir de même que tout le monde. J’y avais pris goût. Et je regrette amèrement que la cigarette n’ait jamais eu sur moi l’effet que m’a fait un jour le café.

  • 17 H : j’en suis à mon 15ème espresso fait maison et tout à coup je me sens mal.
  • Je transpire et j’ai froid partout. Je comprends enfin ce que signifie l’expression : « avoir des sueurs froides ».
  • Mon coeur bat la chamade entre les chevilles et les épaules.
  • Je vais mourir.
  • Un de mes collègues s’inquiète tout de même devant ma pâleur (cadavérique parait-il) et appelle un interne des urgences qui arrive vite fait, vu la proximité.
  • Il regarde mon rythme cardiaque très accéléré, mais sans anomalie, prend ma tension qui lui semble normale (j’avais 20 ans), et finit par conclure  sans frémir, son expresso à la main :  « c’est l’abus de café », avant de me faire une intraveineuse de Valium qui a fait tout rentrer dans l’ordre dans les 10 minutes.
  • On m’a renvoyée chez moi en me priant de me coucher (je venais en mobylette) avant de faire une bonne nuit accordée par l’intraveineuse de Valium. (Ce que j’ai fait, et était-il bien raisonnable de me laisser repartir à ce point shootée ?)

De ce jour là, j’ai pris le café en grippe et totalement, l’associant avec un malaise proche de la mort (pour moi). L’odeur m’insupporte, le parfum aussi, même dans une crème, une glace. Un soupçon de café dans un litre d’eau me fait recracher l’eau (testé par mes collègues ingénieurs de chez Truchon qui m’avaient collé 10 gouttes de café dans mon litre de flotte).

C’est resté. Sauf que quand je recevais, j’avais à coeur de faire du café pour ceux qui aimaient cela.

Albert était mauvais juge. Pour son café du matin, il se touillait du soluble dans un bol en contemplant Waterloo morne plaine, comme mon père, et n’était pas du tout adepte à autre chose que son Nes du matin (sauf chez ses parents chez lesquels il devenait également fan de foot, mais c’est une autre histoire).

N’empêche que j’avais une cafetière et du café moulu chez moi.

A l’époque j’espérais devenir parfaite. Depuis, vous l’avez certainement compris, j’ai renoncé à la perfection.

Donc un soir. C’était pendant l’horreur d’une profonde nuit… Nous recevions le parrain de ma méchante belle-soeur et sa femme. Pourquoi je n’en sais plus rien, sauf que nous avions vraiment sympathisé.

Albert m’avait prévenue en démoulant les glaçons pour l’apéritif : « ils sont café à mort ».

J’avais donc sorti l’artillerie lourde : la cafetière et le café moulu. Qui n’avaient jamais servi, car à l’époque nos fréquentations même familiales n’en prenaient jamais le soir, alors que nous recevions quasi totalement le samedi soir.

Je suis partie faire le café, l’air de rien, à la fin du repas, Albert héroïque s’étant déclaré partant pour une petit noir lui aussi, pour se donner un genre (là encore c’est une autre histoire…)

Une fois le café passé, j’ai regardé au travers du réceptacle : on voyait au travers.

Je ne sais pas qui m’avait dit qu’un bon café coulé ne doit pas laisser passer la lumière, et donc, persuadée pouvoir être jugée sur mon café, j’en ai remis un à couler.

En réalité, j’ai remis du café moulu dans un nouveau filtre, et j’ai passé le café fait dedans en me servant d’une verseuse pour ne pas vexer la cafetière. Ce fut long et périlleux parce que je savais aussi qu’il ne fallait jamais faire bouillir le café, et que je le réchauffais petit à petit sur ma cuisinière..

Le résultat était au delà de mes espérances : on ne voyait rien à travers. J’avais ré-inventé sans le savoir l’encre de chine, même si les ingrédients différaient…

Victorieuse, je suis revenue avec mes grandes tasses, le sucre, et le café qu’on ne voyait pas au travers.

Mes hôtes ont été parfaits.

  • Ils se sont servis, comme Albert qui lui, sentait le traquenard involontaire.
  • Ils ont commencé à goûter le café. A petite dose.
  • A chaque dose j’avais droit à un « il est costaud« , et j’étais très fière de moi : je savais faire du café.
  • « Il est costaud » a duré tout le long de la cafetière…
  • Ils l’ont terminée sans moufter plus que ça. Les pauvres, j’avais fait LARGE !
  • Albert qui n’avait bu qu’une tasse pour ne pas me flanquer la honte, a passé le reste de la nuit à faire des mots fléchés.
  • Tellement énervé qu’il avait percé le papier de mon hebdomadaire…

J’ai su longtemps après par les grand-parents d’Albert qui eux m’adoraient que mes invités de ce soir là leur avait déclaré :

  • Elle est charmante, elle cuisine divinement, mais la prochaine fois (ils l’envisageaient tout de même), on lui dira que le café nous est interdit. Parce qu’on n’a pas dormi de la nuit et que nous étions agités par un tremblement nerveux du plus mauvais effet.
  • A tel point que le matin, nous avons négligé le café pour nous faire un lait miel/tilleul ou c’était la mort assurée.

Après ce soir mémorable, j’ai laissé la cafetière aux mains de celui ou celle qui voulait bien la prendre. Le café, ce n’est pas mon truc…

Je voulais bien avoir tout ce qu’il faut pour faire plaisir mais à ceux à qui le plaisir appartenait de faire ce boulot là !

J’ai découvert rapidement que les amateurs de café étaient toujours totalement volontaires pour le faire à ma place, quand nous avons commencé à recevoir le dimanche midi… Albert, ce traitre, avait raconté l’histoire de mon café « qu’on ne voyait pas au travers ».

Ma seule excuse est que je gardais tout de même le souvenir de la couleur du café servi au service radiologie…

Et encore je n’avais pas suivi la recette des cuistots des westerns, donnée dans un Lucky Luke : « mettre à bouillir 2 litres d’eau avec 1 kg de café moulu pendant 2 heures. Au bout de 2 heures jeter un fer à cheval : si le fer à cheval ne flotte pas, on rajoute du café ».

Car la vie n’est qu’un long calvaire.

Comment mourir bêtement dans l'indifférence générale…

C’est simple, soit vous sentez que vous allez y passer, et vous filez directement au cimetière pour faire gagner du temps à tout le monde. Les cimetières sont assez peu fréquentés en dehors de la Toussaint, donc, théoriquement, vous pourrez vous allonger sur une pierre tombale et crever tranquille.

Soit vous vous décidez à avoir LE malaise, devant tout le monde. Là il vaut mieux qu’il y ait beaucoup de monde. Car tout le monde se dira que quelqu’un fera  bien quelque chose, et s’en ira en comptant sur un « autre » hypothétique.

La mort de madame Vampire a été un concours de circonstances fort malheureux. Certains me diront « c’était son heure ». Mais là, tout le monde est un peu révolté…

L’un des 5 enfants de madame Vampire est handicapé mental, placé dans une institution assez similaire à celle où vit ma soeur. Il était en « permission » chez sa maman pour la semaine n° 1. Et il voulait une soupe de légumes…

Il est juste capable de descendre le chien (sans queue) 3 fois par jour, et madame Vampire a toujours refusé les propositions de ses voisins, de lui faire 2 ou 3 courses en cas de besoin (dont les miennes, car je sors tous les jours, contre vents et neige marées).

Hors là, nous venons enfin de tout savoir (parce que c’est un truc à épisodes), madame Vampire avait besoin d’une botte de poireaux, de 3 carottes, de deux litres de lait et d’une douzaine d’oeufs.

Juste le jour où d’ailleurs, je vais faire mes courses à Rampion. Sauf que la malheureuse était très matinale, et moi pas (tout le monde sait ici que je suis insomniaque et que je hante les blogs à 4 H du matin). Il n’empêche qu’elle serait venue me sonner, vu le froid, le temps, et le reste, je serais allée lui faire ses courses (ça m’arrive pour d’autres), et qu’elle serait toujours là.

Bref : malgré l’interdiction de sortir quand il fait en dessous de 0°, madame Vampire a décidé d’aller faire ses courses à Rampion. Cela lui a pris une bonne demie heure pour gratter sa voiture, elle est remontée chez elle pour préciser à son fils qu’elle ne se sentait pas bien, et puis elle est repartie. Ce n’est pas lui qui aurait appelé le SAMU ou un médecin, ou qui aurait tyrannisé sa mère pour qu’elle se repose et se remette, avant d’appeler quelqu’un (dont un voisin éventuellement). Ce n’est pas de sa faute. Ma soeur face à un problème de ce genre serait totalement inefficace.

Quant à elle : « fi donc, un malaise, j’ai accouché 5 fois, et je ne prends pas mes médicaments ». Elle était de ceux qui pensent en effet, qu’un remède est toujours pire que le mal et ne risquait pas de creuser le déficit de la SS (la Sécu !)

Donc la voici partie pour l’ouverture de Rampion à 9 H. Elle fait ses petites courses, elle monte dans sa voiture, boucle les portières et là, sans doute se sent mal parce qu’elle prend son portable pour appeler chez elle. L’heure indiquée par le portable et la réception de l’appel est formelle : il est 9 H 30.

Le fils répond au téléphone, mais n’entendant qu’un souffle rauque, raccroche. Ce n’est pas lui qui va vérifier qui a appelé, ni faire quoi que ce soit…

Là, Madame Vampire s’écroule sur son volant. Si c’était mon cas cela mettrait en marche le klaxon, mais pas pour elle. Elle a dû retenter un appel car on trouvera le portable complètement déchargé.

Cela ne dérange personne de voir une personne avachie sur son volant.  Surtout une dame âgée qui n’a rien de la personne en train de cuver son cognac… C’est mon voisin du dessous d’en face qui, se rendant à Rampion à pied (il est sportif et en bonne forme), qui reconnait en même temps madame Vampire et sa voiture.

Madame Vampire toujours avachie sur son volant (c’est ce qu’il a remarqué en premier en passant à côté de la voiture). Donc il appelle immédiatement les pompiers qui sont à 50 mètres et arrivent en moins de 3 minutes.

Il est 11 heures 30 ! Combien de personnes se sont garées de chaque côté de cette voiture ? (c’est jour de marché en plus), combien auraient pu la voir ?

Non, en fait, je pense que personne ne l’a vue… Qui regarde ce qu’il se passe dans les voitures voisines ? Savons nous encore regarder autours de nous ? Beaucoup errent dans le stress et l’urgence et ne voient plus que le bout de la route, leur vision périphérique venant à manquer cruellement.

Quand les pompiers sont arrivés, il leur a fallu péter d’abord la portière pour sortir madame Vampire, et pour tenter le tout pour le tout (défibrillateur).

Mais il était trop tard. Le coeur un peu trop affolé était une chose, l’hypothermie en était une autre, le mélange des deux étant fatal…

Heure déclarée du décès : 11 H 55. A savoir que quand elle s’est avachie sur son volant, il lui restait du temps à vivre, et qu’une intervention musclée était possible…

Et il n’y avait pas de vitres teintées qui empêchaient de la voir, car on ne passe pas son temps à regarder ce qu’il y a dans les autres voitures…  Le voisin l’a vue tout de suite, sans tout de suite reconnaître la voiture.

Nous osons juste donc espérer qu’effectivement personne d’autre ne l’a vue.

Combien passent à côté d’un drame sans vouloir le voir, en espérant que quelqu’un d’autre « s’en occupe », pour l’oublier aussitôt ? D’où l’obligation de légiférer sur la « non assistance à personne en danger ».

Tout était rassemblé pour le « pas de chance » :

  • Une envie de soupe chez le fiston. Sans cette envie, elle ne serait pas sortie.
  • Des médicaments pas pris depuis 3 jours, car généralement un des enfants passait un jour sur deux pour vérifier. Là il y avait eu des imprévus pour lesquels ils s’en voudront toujours.
  • Le klaxon non déclenché en s’écroulant sur le volant, parce que situé ailleurs
  • Une température bien au dessous du 0° autorisé
  • Un effort fait alors que « défendu » (le grand dégivrage de la voiture, car elle ne pouvait pas se contenter de dégager ses vitres)
  • Le fait que personne ne regarde dans les voitures voisines…
  • Le fait que personne ne remarque en s’en souciant, une personne avachie sur son volant (j’ai eu le cas une fois, j’ai cogné à la vitre, à l’haleine et au ton du monsieur qui dormait, j’ai compris tout de suite…)

Et c’est là que les cow-boys vont arriver, pour les voisins…