L’histoire troublante de Delphine…

estelleElle a été un bébé sérieux, appliqué, sans problème aucun, vraiment l’idéal à souhaiter à tous les parents. Les sourires c’était pour les proches (ça faisait tout de même du monde). Je me souviens très bien du jour où j’ai pris cette photo : elle était impressionnée par l’appareil et ne voulait pas le montrer malgré la petite inquiétude qui pointe dans son regard. Sauf que sourire, ce n’était pas possible. J’ai 30 clichés de ce jour là, et sur aucun elle ne sourit…

Pourtant que de sourires, de câlins, d’amour en elle. Comme pour sa soeur, totalement différente, toujours rigolant sur toutes les photos, j’espère avoir répondu à leur demande d’amour.

Et que de mystères aussi pour Delphine…

Quel âge avait-elle ? 2 ans et demi à vue de nez vu l’endroit où nous habitions, et sa prochaine rentrée en première année de maternelle prévue pour notre emménagement dans notre maison en travaux, à Rambouillet.

Avant de vous indigner, sachez que Delphine n’a jamais pris un petit déjeuner normal. J’avais bien suivi les consignes « faire ingurgiter un vrai petit déjeuner à votre enfant le matin ».

Comme elle n’aimait aucune boisson chaude « j’aime pas le lait » (merci le furoncle de l’avoir dégoutée du lait en lui en faisant boire du tourné !), je me résignais pour le jus d’orange + du variable.

  • Rillettes sur brioche vendéenne. Il paraît que c’est top !
  • Un quart de « babert » : du camembert, tout le monde aura compris
  • Du nana blanc
  • Du saucisson bien sec de préférence
  • N’importe quoi, sauf tout ce que tout le monde prend au petit déjeuner le matin…

Donc ce matin là (là là là), elle terminait avec plaisir le reste de tomates farcies de la veille au soir. Froides, c’est comme ça qu’elle les aimait.

Et tout en mangeant en arrosant les tomates d’un coup de rouge de jus d’orange…, je vous le donne en mille, elle me déclare, avec son air toujours sérieux.

  • Quand j’étais chien, les hommes avaient des chapeaux comme ça, et des barbes comme ça (description étrange mais réaliste), et je m’appelais « Hamalaram » (ne pas vérifier l’orthographe, je retranscris juste un nom donné par une enfant de moins de 3 ans)

La journée n’allait pas se passer comme ça. Il pleuvait, et je regardais la pelouse pousser alors que c’était à moi de la tondre (Albert a toujours eu tous les motifs possibles et imaginables pour ne pas tondre la pelouse)

  • Quand j’étais chien, il ne pleuvait jamais ou pas souvent. Il y avait du sable partout, quelques endroits où l’on pouvait boire, mais ce n’était pas vert comme ça. (D’un autre côté vu la famille dont elle est issue, il était normal qu’elle parle couramment…)

Le coup du « quand j’étais chien » a duré 3 mois. Cela intriguait tout le monde et tout le monde avait interdiction de l’interroger : il fallait que cela sorte tout seul. Et ça sortait régulièrement. Particulièrement quand elle allait se coucher volontairement dans le panier du chien de mes parents, qui se demandait (le chien), pourquoi on venait le faire chier dans son panier.

Quand elle était chien, il n’y avait pas beaucoup d’eau, mais les dattes étaient bonnes. Réglé le jour où elle a mangé la première datte de sa vie. Du coup le lendemain j’ai acheté des figues, et bien c’était pareil que quand elle était chien. Pour les poireaux ben non, elle n’en mangeait jamais quand elle était chien.

Et quand elle était chien, elle s’appelait « hamalaram ».

Nous nous étions tous habitués à ce qu’elle ait été chien dans une vie antérieure. Pourquoi pas ? Et puis un beau jour nous étions en train de feuilleter ma soeur et moi, les vieux « Tout l’univers » que mes parents venaient de me léguer, sachant qu’ils seraient respectés.

Et nous voici sur un article sur les Babyloniens, avec des barbes comme ça et des chapeaux comme ça. Avec dessin à l’appui, et là, Delphine sur qui nous enquêtions tout de même, s’est excitée tout à coup :

  • Maman, Tatie ! Ils étaient comme ça les messieurs quand j’étais chien ! Tu vois, il n’y avait pas de forêts comme ici, pas d’eau, ils avaient des barbes et de beaux chapeaux. ET JE M’APPELAIS HAMALARAM !

Elle s’est sentie fatiguée, est partie se coucher sans manger, ce qui a pétrifié tout le monde (parce que Delphine dès sa naissance a toujours été branchée très bouffe).

Depuis ce soir là, elle ne s’est jamais rappelé avoir été chien et s’être appelée Hamalaram…

Elle nous croit quand nous lui en parlons, mais elle n’a vraiment aucun souvenir…

Etrange non ?

En 1991, alors que je pleurais sans me cacher, sur la mort de Mrs Tricot, elle m’a serrée dans ses bras.

  • Ne pleure pas maman. Elle reviendra. Nous revenons tous, pour réussir ce que nous avons loupé dans notre vie précédente. Moi je suis ici pour être riche ou pour aider les autres. Si je ne peux faire qu’une chose sur les deux, je reviendrai… Ne pleure pas maman, elle reviendra, ou bien elle est enfin en paix.

Elle avait 7 ans, et elle y croyait. Alors que nous n’avions jamais parlé d’une vie après la mort, de réincarnation, ou autres choses de ce genre…

Et quand nous en parlons toutes les deux, c’est toujours pour conclure « étrange non ? »