Vitre cassée, vie brisée…

Tous les ans, mes parents louaient pour tout le mois de juillet, une maison sympa aux Saintes Maries de la Mer, conçue pour héberger 10 personnes (bis repetita). Nous y avons pendant près de 20 ans passé des vacances supers, avec des excursions également supers.

Je ne tiens pas à critiquer les travailleurs du sud, ce n’est pas mon propos. Chacun travaille comme il le souhaite et tient boutique comme il le veut. Sans doute qu’ailleurs, le héros de cette histoire, aurait eu la même répartie.

Donc la maison de nos bons souvenirs comportaient deux entrées : une par la cuisine, l’autre par le séjour. Chaque porte avait sa clef et bon nombres de jeunes adolescents, dont moi jadis, ont utilisé la porte de la cuisine, plus discrète sur le plan bruit, pour rentrer à pas d’heure sans que les parents n’entendent quoi que ce soit. Cette double entrée était pratique : cela permettait aux grands raisonnables d’aller faire leur petit tour avec leur clef, et aux jeunes de s’esbigner sans devoir sonner en rentrant, pour affronter le traditionnel « c’est à cette heure ci que tu rentre ? ».

Nous n’en étions plus à nous planquer Albert et moi, mon frère et sa future épouse, et nous sortions donc par la grande porte, alors que ma soeur… Hi Hi… Fausse manoeuvre de mon ex future ex belle soeur un beau matin, la porte de la cuisine a fait vlabadaboum en se refermant, claquant horriblement.

Hors c’était une porte vitrée. Le rêve de tout cambrioleur sauf que vu la tronche de la cuisine, personne n’aurait eu l’envie de rentrer là. Et puis casser un carreau c’était bien beau, mais restait à se glisser dans la maison et c’était des petits carreaux juste en haut. Bref, pas de quoi avoir peur de visiteurs du soir.

Hors qui disait porte qui fait vlabadaboum un jour de mistral, dit carreau qui fait gling gling gling. Un seul, le plus fragile sans doute.

Les hommes se sont concertés longuement devant un pastis. S’il n’y avait pas de vitrier nous étions bons pour une virée en Arles pour acheter un carreau, et eux pour le poser, ce qui nous semblait nettement plus drôle à imaginer, aucun n’ayant jamais brillé dans le domaine très précis du mastic. Mrs Bibelot ressortit son guide vert et le reste pour nous préciser que visiter.

Il était donc prévu d’aller en Arles en commando pour acheter une vitre, investir les Alyscans et surtout ce petit restaurant à côté des arènes, qui servait des moules gratinées abso-lu-ment merveilleuses, ainsi que des encornets farcis à damner un saint, sur fond de rosé glacé. Cette histoire de carreau était bien triste et nous nous serrions les coudes, c’en était très beau, à pleurer.

Ce qui nous fit pleurer, c’est qu’à 14 H ma future ex belle soeur repéra dans les pages jaunes un vitrier intra muros. Après la sieste de rigueur, elle s’en alla lui faire une petite visite avec les mensurations de la vitre qui n’étaient pas 90/50/90 et revint très agitée pour commencer à remuer la porte de la cuisine.

  • Tu fais quoi là ? lui demanda mon frère
  • J’essaye de dégonder la porte
  • Pour faire quoi ?
  • Pour l’emmener au vitrier. Il m’a dit « putaing mais il faut chaud aujourd’hui peuchère, MENEZ MOI LA PORTE »

Comme personne ne lui a mené la porte, il a juste mis 5 jours à venir, avec son bout de carreau, qu’il a mastiqué en 5 minutes en se demandant tout haut si les parisiengs savaient ce que c’était qu’un pastis bien frais peuchère.

Puis il est reparti chez lui, en nous précisant bien qu’il était épuisé, et qu’il ne lui restait qu’à aller se coucher.