11 novembre 2012 – Le voyage d’un père…

11 novembre 2012Je vous ai présenté le Bleuet* l’année dernière (ICI) et son étrange rencontre de ce qui a du être un ange, dans les tranchées de la grande guerre. D’un post à l’autre en renvois, finalement vous savez tout…

Le premier mort de la famille (un cousin germain du bleuet) qui comprenait hélas pour eux, beaucoup d’hommes en âge de se battre, et peu de filles,  fut celui que mon arrière-grand-mère et sa soeur (Tante Hortense), appelaient « le cousin Mac ».

Le 26 août 1914, le mortuaire arriva, à une époque où les municipalités faisaient « quelque chose » en hommage au mort, tué, celui-là, au 23ème jour de la guerre. Après il y en eut de trop, on renonça, c’était déjà bien assez pénible comme cela d’avoir à se déplacer encore une fois, une fois de trop, pour annoncer une mauvaise nouvelle à une famille désormais endeuillée ou à nouveau endeuillée. (Le maire de la commune eut tout de même l’obligation d’apprendre à une femme la mort de son mari et de ses cinq fils…)

Mais la cérémonie ne consola bien évidemment pas les parents, Léon étant leur seul fils, qu’ils avaient eu sur le tard, à la quarantaine, désespérant depuis leur mariage 15 ans avant la naissance miraculeuse, d’avoir la famille de leurs rêves.

Sa femme s’étouffait de douleur nuits et jours, refusait de recevoir qui que ce soit venant la consoler, maigrissait à vue d’oeil, alors « l’oncle Mac »  prit une grande décision, à 63 ans.

Il irait chercher le corps de son fils, là-haut dans le nord. Il le ramènerait, il le mettrait dans le caveau de famille à 800 mètres de la grande maison. Il y aurait enfin un endroit où sa femme pourrait aller épancher sa douleur, un endroit où se recueillir… Il ferait SA guerre à lui, puisqu’il avait été trop vieux pour prendre la place de son fils.

L’odyssée de cet homme nous est quasi impossible à comprendre. Tante Hortense et mon arrière Grand-mère savaient, il leur avait tout dit, mais nous, nous ne savons plus.

Il a pris le plus d’argent possible, si possible en pièces d’or (c’était une famille très aisée). Il a emprunté deux ou trois tenues de garde chasse, de paysans, d’homme ordinaire, et il est parti en train, vers le nord.

Puis il a payé grassement un paysan (inapte à la guerre donc quelque peu handicapé) pour l’accompagner avec sa charrette jusqu’au lieu fatal où était enterré son fils.

Il avait tous les papiers possibles et imaginables pour passer en zone « interdite ». Jamais il n’a vendu le faussaire de la commune, qui les lui avait délivrés…

Ce n’était pas encore trop le désordre DEBUT OCTOBRE, et même si certains ont été surpris de voir cet homme digne mais ferme arriver, ils surent écouter ses doléances.

Léon était enterré à un endroit précis qui lui fut montré, mais le père voulait être sûr. Il ne voulait pas que rapport à une erreur de mémoire ou de plaque d’identité inversée, il puisse ramener le corps de quelqu’un d’autre…

Il a donc fallu déterrer le corps, et à la demande du père qui l’a fait lui-même, ouvrir le cercueil sommaire qui le contenait. Par la suite, les cercueils ne furent plus nécessaires, le linceul non plus, on enterra les corps comme on le pouvait… (en mélangeant parfois les morceaux, excusez-moi les jeunes, pour cette horrible précision !)

Je n’ose même pas imaginer ce que scruta le père, de ce qu’il restait d’un fils mort un 23 août, en ce début octobre. Je ne peux même pas imaginer quels furent les sentiments qui l’animèrent à ce moment là. Nous savons seulement qu’il reconnu la médaille de baptême que son enfant portait toujours et « un problème au niveau d’une canine de la mâchoire supérieure ». C’était bon, c’était bien son fils, et il voulait l’embarquer.

« Impossible lui rétorqua le chef du secteur ». Vous ne passerez jamais avec un cercueil dans cet état et CE qu’il y a dedans ».

Le père commanda donc un cercueil au village le plus proche. Le cercueil dans le bois le plus dur, le plus imperméable, fermant le mieux possible, le cercueil le plus beau,  et 10 jours après, le corps de Léon quitta sa première boîte pour rejoindre la seconde et dernière. Plomber le cercueil était impensable : le plomb était bien trop précieux…

Le commandant du secteur sans trop d’hésitations (c’était les tous débuts, et pour eux, la guerre devait durer au maximum un an), délivra un certificat comme quoi l’oncle Mac emportait bien le corps de son fils Léon Mac, mort le 23 août 1914, enterré sur place à X (top secret) et déterré sur la demande de son père, avec l’accord de l’administration et des armées, pour être inhumé chez lui.

Le père anesthésié moralement désormais, récupéra la médaille. Il avoua être resté 3 jours sans manger pour finir par vomir intact, le repas pris 72 heures auparavant, juste avant le transfert du corps d’un cercueil à un autre et la récupération de la médaille.

Puis il paya grassement l’homme qui avec sa charrette, lui, le cercueil de son fils et son fils, allait le ramener chez lui, dans ce qui était encore la Seine et Oise et devait devenir un jour « les Yvelines ».

Ils purent parfois prendre un train avec leur charrette, firent ce qu’ils purent pour éviter la réquisition des deux bidets la traînant, et un beau jour, un 11 novembre 1914, Léon put être enterré de manière légale et reconnue, « chez lui », dans « son » village où il eut droit à une deuxième cérémonie officielle, ce qui lui fit une belle jambe, et Tante Hortense put venir pleurer sur sa tombe (nous le savions bien que c’était lui, l’homme X de sa vie).

L’homme qui avait aidé l’oncle Mac resta sur la propriété jusqu’à la fin de ses jours, logé, nourri, salarié, aimé. Avec lui, chargé du chenil « pour la gloire », l’oncle allait parler tous les jours, l’oeil terne et morne, regardant ailleurs, et revoyant ce que nous ne devrions pas voir, sentant ce qu’il avait senti quand le temps se réchauffait et que des émanations trop nettes lui rappelaient ce qu’il se passait derrière lui, dans le cercueil, dans la charrette.

La mère de Léon récupéra la médaille de son fils en pleurant, mais de pleurs apaisés. Désormais, elle avait une tombe sur laquelle aller se recueillir, et pouvait sans déshonorer la famille, recevoir ouvertement celle qui aurait pu devenir sa bru.

L’oncle Mac ne fut plus jamais le même.

Il y avait pour lui :

  • Avant le voyage
  • Le voyage, la peur et l’espoir tout de même, au ventre
  • La reconnaissance du corps
  • L’extraction de la médaille de baptême du corps
  • Le voyage de retour, avec donc, quand le temps se mettait au doux, des relents lui rappelant ce qu’il advenait de ce qu’il restait de son fils, juste derrière lui…
  • Donc il y avait un avant et un après. D’ailleurs lui, n’allait jamais sur la tombe de son fils. Pour lui, la vraie était restée là-haut, dans le nord, dans un coin dont il avait oublié le nom…
  • Et il y avait finalement pour lui, l’amour sans fin qu’il avait pour sa femme, car c’est pour elle surtout, qu’il avait entrepris ce triste voyage. Elle ne s’en est jamais rendue compte vraiment… Mais il ne lui en a jamais voulu, parce que c’est cela l’amour.

Le cousin Mac repose au cimetière familial dans le village de mes parents. Les siens l’y ont rejoint, tante Hortense aussi, et quasi tout le reste de cette génération qui a été maudite pour on ne sait quelle raison.

Si son père ne s’était pas dérangé, peut-être serait-il au milieu d’autres, si bien représentés sur cette photo où la terre de France se souvient… Ou peut-être serait-il disparu à jamais, tant de corps n’ayant jamais été vraiment retrouvés après de multiples bombardements…

Car la vie n’est qu’un long, long, long, calvaire… Surtout quand on évoque cette période là…

1.300.000 hommes, rien que pour la France, sacrifiés pour que l’on remette cela 20 ans plus tard…

PS : cette histoire est 100 % authentique. Trop de papiers ont disparu pour que je puisse vous donner les lieux exacts, mais ce voyage, ce père l’a fait.

PPS : un jour férié qui tombe un dimanche, vraiment ces hommes là sont morts pour RIEN !

Photo : Merci MARCUS !

Mon troisième accouchement… (à mon âge est-ce bien raisonnable ?)

J_ai_arr_t__de_fumer_53328815Vous ne le saviez pas hein, pour le troisième…

Moi non plus il y a 3 mois je n’en savais rien du tout de ce troisième accouchement qui se passe dans la douleur.

L’accouchement de :

La cigarette

J’avais pris ma décision, et mine de rien je peux être assez têtue et déterminée, sans être bornée, n’exagérons rien.

J’avais donc décidé d’arrêter et j’avais pris mes précautions en diminuant petit à petit, pour, le pensais-je, me sevrer moins difficilement.

J’avais tort (de penser que ce serait moins difficile).

La lutte que l’on engage pour faire cesser la dépendance au tabac peut s’avérer aussi difficile, parait-il, pour une personne qui fume 5 cigarettes par jour depuis 20 ans, que celle qui fume 5 paquets depuis le même temps.

Et si je parle d’accouchement, c’est parce que je peux toujours, presque 31 ans après, vous faire un minute par minute de la mise au monde de Pulchérie (72 heures), et 28 ans après de celle de Delphine (13 heures).

Depuis ma première visite chez le tabacologue, je peux vous faire un minute par minute de mon arrêt de la clope.

Dans 25 ans, quand j’aurais l’âge où je pourrais éventuellement recommencer, je pense que le minute par minute de mon sevrage sera encore bien ancré dans ma tête. D’où ma comparaison avec un accouchement qui marque forcément la vie d’une femme.

Evidemment, je vais vous épargner le plus gros, mais globalement on peut dire que…

  • On prend la décision et on commence à prévoir des stratégies* (ne plus fumer en conduisant, en lisant, etc…)
  • On prend RV avec qui peut vous aider (tabacologue gratuit dans consultation hospitalière si possible)
  • On regarde avec lui comment on va procéder
  • On arrive au jour J

Ce jour où l’on se lève en passant son temps à chercher machinalement partout, une cigarette allumée qui n’existe pas, en attendant le RV avec le tabacologue, pour l’ordonnance de patch ou autre.

En pensant naïvement qu’avec les 50 euros que la SS (la sécu !) vous rembourse par AN pour arrêter de fumer, vous allez vous en sortir.

(Chance extrême, la fin d’année calendaire approchant, en janvier j’aurais encore droit à 50 euros…).

  • Le jour J, j’ai craqué le soir, après le discours du tabacologue. Une cigarette, enfin deux, même ici, parfois, je me mens.
  • On trouve la cigarette dégueulasse et on se dit que finalement ça peut bien se terminer.
  • Le lendemain,on se colle un patch, et puis en attendant qu’il commence à agir (comptez 20 minutes), on gobe une pastille à la nicotine qui est dégueulasse, tout en cherchant toujours la cigarette allumée qui n’existe pas.
  • Puis on commence à voir des nains, cigarettes partout, en se demandant ce que fout le patch.
  • Puis chaque bruit renvoie au briquet, à l’allumette, au mégot que l’on écrase.

Personnellement (MOI JE), je me suis ruée sur les forums et j’ai béni internet, parce que là, on tombe sur des personnes qui sont passées par là et vous encouragent, idem sur FB (sauf que j’y ai peu d’amis, et parmi ceux-ci peu d’ex-fumeurs, mais merci tout de même à ceux qui sont venus m’encourager).

J’y ai appris d’ailleurs, ce qui est intéressant, qu’un patch peut vous servir 3 JOURS, à condition de bien le retirer le soir, de le poser avec délicatesse sur son disque d’origine et dans son emballage, et puis les deux jours suivant de le fixer avec du sparadrap, parce que le fabriquant le sait que cela diffuse toujours de la nicotine, et qu’il faut donc que le patch ne tienne pas tout seul pour que LUI gagne bien sa croûte…

Prendre des actions pour une courte durée dans toute fabrique de sparadrap prospère…

  • Cessant d’être ON, j’ai cherché des livres non fumeurs. Je lis en effet beaucoup depuis le mois d’août, car en lisant généralement je ne fume fumais pas. Mais rien de tel que de lire que le héros s’allume une cigarette pour tendre machinalement la main vers un paquet de clopes (qui est rangé en haut d’un placard et que du coup que l’on risque sa vie à grimper sur une chaise pour l’attraper).
  • Eh bien vous allez rire, même dans « autant en emporte le vent » il y a du tabac…
  • Je me suis donc rabattue sur tout ce qui précède la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb… (heureusement j’ai de quoi faire…)
  • Les séries TV et les films sont redoutables également. Rien que la vision d’un panneau « interdiction du fumer » déclenche le réflexe de tendre la main vers un paquet de clopes qui a été finalement descendu du placard pour être plus accessible, au cas ou ce serait : une clope ou le suicide (mais qui n’est pas à portée de main non plus…).
  • Le seul film totalement non fumeur auquel je pensais était « les 4 filles du Dr March », mais on risque de se lasser (et puis à mon avis il y a bien un moment où un homme fume). Il y a « la guerre du feu » aussi, mais bon, là aussi on peut se lasser… Je regarde donc la TV d’un oeil torve et si je repère un héros fumeur, je zappe sur « la vie des cafards » « les trous noirs » « le temps existe-t-il vraiment ? (bonne question) » etc, sur Arte
  • J + 8 : je craque. Une cigarette vers 23 H
  • J + 9 : je tiens le coup
  • J + 10 : je craque. Une cigarette à 0H00 (c’est un signe…)
  • Car, problème, si je n’ai pas remis les pieds dans un bureau de tabac, j’ai retrouvé un paquet neuf dans le fond de mon sac (mais l’état de mon sac à main fera l’objet d’un post exclusif, si j’y pense)…
  • Là nous sommes à J + 11, j’ai du mal à y croire, le temps s’est étiré, j’ai l’impression que je souffre depuis déjà 2 mois, et je sens que je vais craquer.
  • Encore juste une, le soir, monsieur le bourreau…
  • Psy chérie ne m’aide pas trop sur ce coup là, car elle estime que deux ou trois mois avec UNE, le SOIR, en décalant l’heure de la prise, serait un moyen de tenir vraiment toute la journée « cette cigarette serait celle qui vous permet de tenir toute la journée »…
  • Pour passer à une un jour sur deux, puis un jour sur trois, etc.
  • A moins que le fait (c’est fréquent) de s’en accorder une par jour, fasse qu’on ne la prenne pas : tout est compliqué dans la tête… Quand on a l’esprit de contradiction, on se contrarie soi-même…
  • Et le jour où l’on arrête de compter les jours et ce qu’il reste dans le dernier paquet, et bien le sevrage est terminé.
  • Donc les stratégies du départ, j’étais assisse dessus depuis le début et je ne m’en rendais même pas compte.

Sauf qu’en fait certaines choses vont, elles,  très vite :

  • Comme je n’ai craqué que le soir, le lever et la suite de la journée se déroulent bien désormais. C’est à partir de 21/22 H que je suis nerveuse…
  • J’ai l’impression d’avoir retrouvé du souffle.
  • Moi qui avait gardé un très bon odorat, je trouve tout de même que cela s’est encore amélioré. Je ne sais pas ce que mes parents vont devoir faire pour que je ne sente pas qu’ils se sont fait des frites…

Aujourd’hui J + 11… Pas totalement une victoire. Je n’ai pas gagné la guerre, puisque depuis le jour J j’ai tout de même fumé (même si très très peu) mais j’ai remporté une bataille…

Deux : la plus importante c’est que je suis toujours aussi déterminée et que la motivation est toujours là, malgré une déprime « normale et consécutive à tout sevrage, sur le plan psychologique ».

Je vous retrouve dans une semaine.

La vie n’est qu’un long calvaire…

* Cela doit être parce que les stratégies des généraux de 14/18 étaient aussi bonnes que celles de ceux qui décident d’arrêter de fumer, que cela a été une véritable boucherie… (merde, j’aurais dû me la garder pour le 11 novembre qui avance à grands pas).

Le 11 novembre à supprimer comme jour férié…

EndoraCa et là sur la toile fleurissent des idées dont une qu’elle est bonne :

Supprimer le 11 novembre en tant que jour férié.

Les avis divergent, mais il y a des remarques intéressantes :

Je ne m’en lasse pas, d’ailleurs.

    • Il n’y a plus de poilus en vie (le scoop !) : à quoi bon commémorer la mort des autres (poilus), tombés au champ d’honneur (cela fait bien hein, le coup du champ d’honneur (un éclat d’obus dans les entrailles et 72 H pour en mourir ?))
    • Vu l’existence de l’Europe, cette commémoration ne commémorerait qu’une lutte fratricide.
      C’est beau, cela m’émeut. Si je le pouvais, j’irais raconter à mon arrière grand père, qui non existe désormais sous une pierre tombale,  qu’il a combattu bêtement pendant 4 ans, avant de perdre un oeil, un bras et une jambe dans une lutte fratricide, il se sentirait mieux dans sa tombe... (mais comme il y non existe, je me déplacerais pour rien…)

    On pourrait peut-être demander des-explications-j’attends, aux américains USA sur le traumatisme que reste pour eux, la guerre de succession d’Espagne sécession. Qui est une guerre fratricide et la seule qu’ils ont vécue sur leur sol (en plus !)

    Parce que si la guerre de 14/18 n’a été qu’un guerre fratricide qui n’a fait qu’environ 11 millions de morts, à nous les banlieues avec des voitures à brûler… Et puis la capitale aussi, et puis les grandes villes…

    On peut faire fratricides isolés avec la réforme des retraites, le merdage de pôle emploi, les délocalisation et la SS (la SECU !), la bouffe de merde que l’on nous propose, la planète qui n’en peut plus de nous, et j’en passe.

    Forcément, j’en passe, parce que mon but n’est pas de faire un billet de 15 km non plus…

    Naturellement, si vous ne vous sentez pas concerné par les problèmes que nous pouvons rencontrer (éventuellement) en France, vous pouvez toujours passer votre chemin…

    Donc, il faudrait supprimer le 11 novembre comme jour férié. Personne par contre, ne suggère et je trouve que c’est bien dommage, de supprimer les fêtes religieuses qui nous restent, en fériées justement :

    • Pâques : la résurrection du Christ. Ce serait trop con de se priver d’un lundi qui suit obligatoirement un WE, alors on l’ignore, on fait comme si on ne savait pas qu’il n’était pas uniquement question de cloches revenant de Rome avec des chocolats. Pourtant, si tous nos poilus sont morts, ce jour là nous rappelle bien que le Christ est mort aussi, et il y a plus longtemps que les derniers poilus… Tellement plus longtemps…
    • L’Ascension : l’Ascension du Christ. C’est toujours un jeudi. Donc on peut faire le pont. ON ne va pas non plus demander l’abolition d’un jour férié qui nous permet dans le meilleur des cas de poser un RTT pour avoir 4 jours. Je rappelle néanmoins, une fois de plus, au risque de faire celle qui radote, que le Christ est mort depuis plus longtemps que les derniers poilus…
    • La Pentecôte (le lundi, encore un WE de 3 jours) : il y a eu une tentative, cela a merdé, donc la Pentecôte a été rétablie comme jour férié, à charge pour ceux qui ont la chance d’avoir du boulot de choisir un autre jour ou de sacrifier un RTT pour la solidarité. Eventuellement si on le souhaite, on peut toujours travailler ce jour là. Qui reste en théorie mais religieux tout de même (la perfection n’existe pas dans notre monde de brutes)
    • Le 15 août : la fête de la Vierge. Et son assomption au passage. Le Christ fait l’ascension, sa mère fait l’assomption. Il est clair que tous ceux qui profitent de ce jour férié, songent ce jour là avec émotion au jour où cette sainte femme est montée au ciel dans un nuage, entourée d’anges jouant de la trompette (ou du clairon, je ne suis pas sectaire) avec le choeur de petits zoziaux… Tous ceux qui profitent de ce jour férié, en dehors de souhaiter la fête d’une de leur proche, ne pensent qu’à cette vision céleste. J’en pleure d’émotion.
    • Alors là, on va se fâcher tout rouge : NOEL. C’est tout de même une fête religieuse, avant que Coca Cola n’invente le père Noel. C’est la NATIVITE, la naissance du Christ. Qui est mort depuis plus longtemps que nos poilus… (vous l’ai-je déjà dit ?)  Qu’est-ce qu’on fout ce jour là à ne rien foutre d’autre qu’à faire bombance ?
      Je signale au passage que cette nativité a été créée de toutes pièces aux alentours de l’an 1000, pour mettre en place une fête RELIGIEUSE en lieu et place des célébrations païennes concernant le solstice d’hiver que beaucoup s’obstinaient à célébrer. En fait le Christ serait né un peu plus tard…

    Comme je m’énerve un peu, je rappelle à beaucoup que nous sommes un des (rares) états se déclarant démocratiques ET laïcs. D’ailleurs la séparation de l’église et de l’état remonte en France aux débuts du 20ème siècle.

    Qui dit Laïc dit que la religion n’a rien à faire dans les jours fériés.

    Non ?

    Pourquoi ?

    Mais que les commémorations y ont une place…

    Chacun fera ce qu’il voudra de mon commentaire sur son blog. Ici c’est chez moi, et je le dis comme je le pense…

    Je n’ai rien contre les jours fériés, mais j’aurais préférés qu’ils le soient par rapport à notre histoire et non pas par rapport à une religion unique.

    Parce que je ne vois pas du coup, pourquoi on ne fait pas férié pour les fêtes religieuses d’autres confessions que la catholique, même si la France a été pendant longtemps la fille aînée de l’église…

    Nous retirer le 11 novembre, serait à mon sens une négation de notre histoire, Europe ou pas !

    Je l’ai dit ici, pour moi ce n’est pas la célébration d’une victoire, mais la commémoration de millions de morts, de tous les bords…

    Mais je suis certainement dans l’erreur…

    Mes biens chers frères célébrant avec religion et recueillement,  les jours fériés de notre République bien aimée,

    PRIEZ POUR MOI !

    Ils étaient deux…

    Ils étaient deuxIls étaient deux, cheminant côte à côte, dans cette région où les fermes ou mas, éloignés de la ville, abritaient des personnes qui parfois restaient des semaines sans se rendre à la ville précisément.

    Des personnes qui vivaient en autarcie à une époque où l’on se contentait de peu dans un monde campagnard hostile. Des personnes pour qui le monde se résumait à un troupeau de chèvres ou de moutons, le rucher à surveiller, les cultures à faire prospérer.

    Des personnes pour lesquelles un repas de fête c’était des chataignes grillées, avec le dernier fromage blanc de chèvre sucré au miel. Des personnes qui parlaient le soir à la lueur du feu de cheminée. Des personnes hors du temps.

    Des personnes qui ne se rendaient à la ville que pour négocier un animal ou deux, du lait, du miel à meilleur prix. Des personnes qui ne voyaient que rarement le facteur, et ne lisaient pas les journaux…

    Ils ne marchaient pas, leurs monture le faisaient pour eux. Et les bêtes portaient sur le dos le poids d’une souffrance et d’un devoir difficiles, à tel point que les cavaliers ne les pressaient pas. Les deux chevaux hahanaient dans la côte, même pas vexés par les chèvres gambadant à leurs côtés.

    Bien sûr que tous les hommes avaient reconnu leur uniforme depuis le matin, sans comprendre. Mais il y a eu ce couple là.

    L’homme savait depuis 14 jours qu’un danger le menaçait, rôdait. Il n’avait trop rien dit à sa femme de ce qu’il avait appris en descendant au bourg pour vendre 5 chèvres pleines. Il n’avait pas trop compris pourquoi un Archiduc assassiné pouvait menacer sa vie. Mais il avait palpé la peur des hommes et était remonté au mas avec celle-ci au ventre.

    Quand il les a vus arriver il a compris tout de suite. Ces deux gendarmes tranquilles venaient lui apporter son avis de mobilisation, et il se souvenait qu’il aurait à rejoindre son régiment le plus vite possible.

    Restait à l’annoncer à sa femme, sa toute jeune femme, celle qu’il aimait comme on aime quand tout simplement on ne sait qu’aimer.

    L’enfant, leur enfant, regardait ces hommes inconnus apporter le malheur, son instinct très sûr le lui disant. Il y avait le cheminement des chevaux, l’air accablé des gendarmes, et puis tout à coup le père prenant sa veste en laissant tout en plan.

    Et puis il y avait sa mère, à qui l’homme n’avait rien dit, mais qui avait bien senti qu’il n’était plus le même depuis qu’il était remonté de la ville la dernière fois.

    Les gendarmes ont détourné les yeux en la voyant s’effondrer sur le banc à droite de la porte d’entrée. Combien de femmes blessées depuis ce matin ? Combien d’hommes ne sachant rien, et fauchés à tous les sens du terme par la nouvelle ? Combien de pleurs et d’incompréhension ?

    Le Phil savait bien qu’ils lui apportaient son avis de mobilisation. Il leur a servi le coup de l’étrier, le 15ème depuis le matin, qui allait rajouter à leur accablement.

    Et après leur départ, il est allé directement préparer son paquetage pour partir le plus tôt possible, comme il l’était indiqué, laissant une femme statufiée et un enfant ne comprenant plus rien à l’existence.

    « Une petite promenade contre les allemands et je reviens ».

    Il n’est jamais revenu.

    Et la Phil, n’a jamais compris pourquoi on était venu lui prendre son homme, son amour, sa vie. Elle a tout laissé en plan en son absence, survivant jour après jour en l’attente d’une lettre, faisant la honte de ses soeurs ayant à coeur de tout faire marcher aussi bien, voire mieux, en l’absence de l’homme.

    Quand le maire 16 mois plus tard est venu lui apporter le mortuaire, elle n’était plus que l’ombre d’elle-même. S’égarant par une nuit glacée dans la pierraille alentours où elle cherchait son mari, elle est morte à 24 ans d’une chute mortelle dans une crevasse que la neige dissimulait. Morte de folie, de l’absence, de l’injustice du monde.

    Elle ignorait alors qu’un 11 novembre verrait venir la paix, enfin. Pour elle la guerre avait été perdue dès le départ de son mari, de son homme, de son amour. Elle ne pouvait pas mourir en paix, elle emportait la guerre avec elle pour l’éternité.

    Elle ignorait alors qu’un jour le 11 novembre serait un jour béni par beaucoup car jour de congé.

    Son Phil aussi, mort sur une terre froide à mille lieux de sa vie natale…

    Cet homme non dépourvu de bon sens, qui n’a jamais compris qu’il devait mourir parce que l’on avait tué un archiduc si loin de chez lui, de cette France dont il était fier et qu’il vénérait.

    Je ne sais pas si maintenant on comprend. Je ne sais pas si l’on peut vraiment se mettre à leur place, même un court instant. Maintenant on porte plainte parce qu’un soldat volontaire a été tué au combat. Maintenant, ces hommes et femmes happés par cette tourmente effroyables sont tous morts.

    Maintenant il n’y a plus personne pour venir dire que c’était atroce, une génération sacrifiée, trop de morts et de chagrin.

    Plus personne ne se souvient non plus de cette époque où l’on pouvait vivre loin de tout, ignorant le monde extérieur qui pouvait vous rattraper pour le pire…

    Maintenant, il n’y a plus personne pour porter plainte. Et c’est pour cela que l’ETAT (qui est nous), commence à reconnaître les erreurs, les errements, les égarements, et l’absurdité.

    De cette guerre inhumaine dont nous portons le poids d’une manière ou d’une autre, en toute conscience, ou sans le savoir…

    Si dieu n’existait pas, il faudrait l’inventer paraît-il…

    Verdun. Le fatal 11 novembre de votre sorcière…

    aaa-bois-de-morte-mare-2

    aaa-bois-de-morte-mare2

    • Il y a deux semaines : en déménageant une bibliothèque qui n’avait pas été bougée depuis des décennies, il y a eu un clic clic et nous avons trouvé ces deux objets.
      Les photos ne donnant rien, j’ai fait un scan, mais bon, c’est moyen… Sur l’un des objets, il est inscrit « bois de mort mare 1916 ». Sur l’autre « 1914 – 1915 ». Au dos de chaque couteau travaillé, de jolies ciselures…
    • Il y a déjà un petit moment, mais finalement pas si longtemps, hier quoi… Pulchérie est rentrée un beau jour de sa classe de 4ème toute contente : le prof d’histoire organisait une journée à Verdun. Une excursion donc, et une excursion de toute une journée, même lorsque l’on est bon élève, c’est toujours bon à prendre. Pas de maths, pas de français, rien d’autre qu’une super journée à se la couler douce avec du car aller et retour, et une petite promenade quelque part.Je ne lui avais pas spécialement parlé de Verdun à ce moment là. Elle avait quelque part dans sa mémoire ce 11 novembre de CM2 où elle avait été totalement volontaire pour se lever tôt un jour férié, afin de déposer une gerbe ronde au pied du monument aux morts, avec dignité et une petite génuflexion qui avait fait plaisir au maître. (Delphine n’avait pas eu l’occasion de faire de même, nous étions parties je ne sais plus où…). Je lui avais préparé en silence un pique nique pour Verdun et Delphine éructait que sa soeur était la seule à faire des choses intéressantes. Déjà, j’avais emmené Pulchérie voir la Liste de Schindler alors qu’elle était en CM2. Delphine l’avait vu depuis, ce film, et chialé à la fin, mais elle n’en pensait pas moins : Pulchérie et moi n’arrêtions pas de nous bidonner à longueur de temps et c’était d’une injustice flagrante.Donc là, excursion pour le moins poilante et je ne savais pas trop comment aborder le sujet avec Pulchérie, n’ayant jamais fait cette poilante excursion. J’avais encore en tête le moment crucial où en 5ème j’avais découvert l’existence des camps de la mort pendant la dernière guerre mondiale. Le prof d’histoire nous avait apporté des livres pleins de photos illustrant l’horreur, et j’avais été traumatisée. Trop pour en parler aux parents, et ces images m’avaient hantée pendant trop longtemps, sans qu’ils ne prêtent trop attention à mes silences forcément de mauvais augure, et mes cauchemars nocturnes trop fréquents. J’avais trop le souvenir de mes nuits passées à scruter la vitre de ma chambre en y voyant se refléter les images des morts vivants, j’avais trop sur le coeur une absence de questions de mes parents. Etait-ce leur faute ? Je ne sais pas. Je n’ai jamais seulement osé le leur dire ce dont on avait parlé en histoire, sauf qu’à l’époque, commémoration et autres, on ne parlait que de ça, même eux.
    • Pulchérie est rentrée le soir de son excursion, un peu silencieuse et c’était déjà mauvais signe, vu qu’elle charabiatait depuis sa naissance. Sa soeur essayait de savoir ce qui avait été super pendant cette journée, et s’était faite envoyer aux pelotes. Pulchérie s’était enfermée dans sa chambre avec le chat, refusant de diner et de parler. J’étais donc aux aguets, des pâtes à la carbonara en réserve au caz’où.Et puis, sa soeur couchée, Pulchérie est arrivée sur le canapé alors que comme de coutume j’occupais j’étais vautrée dans le fauteuil. Elle avait l’air dans le vague et j’attendais, me disant que moi je n’avais jamais osé aller me poser dans le salon pour parler à mes parents. Elle se mangeait encore les ongles et là, il lui restait à attaquer la lunule. Je sentais qu’elle allait craquer et déborder, elle était venue là pour ça, et je remercie le ciel : jamais mes filles ne se sont posées à proximité de moi le soir, comme ça, pour se taire. J’en veux encore à mes parents de mes silences parce que « pense à autre chose ma chérie ! »
    • Tu veux que je te fasse réchauffer des pâtes ma chérie ?
    • Maman…
    • Maman… il y a la-bas une grande grande tour avec des crânes dedans…
    • … (je sentais l’image devenue obsession tout à coup, l’image qui hante, qui va hanter longtemps, et la voix était vraiment angoissée, et là, on souffre pour notre enfant)
    • Que des crânes dans cette grande tour maman ! Ca fait combien de morts ?
    • Je ne sais pas vraiment ma chérie. Beaucoup c’est certain…
    • Ce sont tous les morts de Verdun maman ? Tu te rends compte ? Tous ces crânes !! Elle est si haute cette tour, je me sentais toute petite à côté !!!
    • Non ma puce, tous les morts ne sont pas là… Il en a eu tellement !
    • Nous avons pensé un peu que c’était les crânes de tous les hommes morts pendant cette guerre…
    • Non ma puce. C’est un mémorial, et ils ne sont pas tous là…
    • C’est vrai, il y a aussi un cimetière avec tellement de croix. Pourquoi tous ces morts maman ? Le prof nous a dit qu’il fallait les compter par millions. Ca fait combien de tours maman, avec uniquement des crânes dedans ?
    • Je ne sais pas ma chérie. C’est l’absurdité de la guerre.
    • Alors pour un homme qui vivait il ne reste que son crâne dans une tour ?
    • Parfois oui… Parfois il est enterré quelque part. Parfois on ne l’a pas retrouvé, on en retrouve encore de nos jours…
    • Maman…
    • Oui ma chérie…
    • Tu peux me serrer très fort dans tes bras ?
    • Oui ma puce.
    • Et le mari de mémé Georgette il était là-bas ?
    • Oui, mais il est rentré lui.
    • Et ses cousins, ses frères ?
    • Non, ils sont restés là-bas.
    • Et leurs crânes sont dans le mémorial ? Maman ça m’a fait tellement peur ! Personne ne peut les regarder et les reconnaître. Je ne veux pas être un jour juste un crâne que l’on ne reconnaîtra pas !
    • Je comprends ma chérie. Tu étais peut-être un peu jeune pour aller à Verdun.
    • Non. Le prof avait raison, personne n’a chanté dans le car en revenant. Seulement je voudrais juste pouvoir dormir avec toi, pour ne plus avoir peur. Ca fait peur tous ces crânes qui ont été des hommes, qui ont aimé et espéré, et qui pensaient avoir une vie entière à vivre.
    • Maman… C’est écrit quelque part si ma vie doit s’arrêter trop tôt ?
    • Oui ma puce, certainement. Mais je ne veux pas savoir où et ne cherche pas à savoir… Tout ce que j’ai à te dire de la Bible c’est « tu ne connaîtras ni le jour ni l’heure ». Pour le reste tu la liras toi-même pour y croire ou non, critiquer ou non…

    Et c’est ainsi que l’on passe une nuit à trois dans un grand lit, pour juguler une peur que même la petite soeur a voulu exorciser, car bien entendu elle était venue nous rejoindre pour apprendre que l’expédition Verdun, ce n’était pas top. Quand cela a été programmé pour elle, elle a eu mal au ventre et je l’ai dispensée. Elle savait déjà…

    IL Y A MAINTENANT LONGTEMPS : un homme qui était de toute évidence ciseleur, artiste, a tué le temps plutôt que de tuer des hommes, dans sa tranchée, pour forger des couteaux un peu de style Bowie, dans des douilles d’obus. C’est gravé avec précision, le travail d’artiste est magnifique, les décorations sur la face A sont superbes, et il y a les dates de l’autre côté, traumatisante quand on sait « 1914 1915 » et « 1916 ». Il restait encore du temps à passer avant la fin…

    Nous n’avons qu’une certitude : si ces objets sont chez mes parents, c’est parce que mon arrière grand père les a récupérés. Parce que celui qui les a créés est mort.

    Nous essayerons de les transmettre aux générations futures le plus longtemps possible. Qu’au dernier qui ne sera pas quoi en faire : ne jamais les jeter. Il existe des musées pour ce genre d’objet.

    Et aujourd’hui encore, comme pour tous les 11 novembre : hommages à ceux qui sont morts si stupidement, à leur vie affreuse dans les tranchées, à leur courage, à leur attente d’une permission si rare, à leurs veuves, leurs mères désespérées, leurs enfants orphelins. A leurs fiancées qui ne les ont jamais remplacés, aux femmes qui ont souffert une attente horrible pour parfois ne récolter que le désespoir, à celles qui ont préféré mourir que de survivre sans eux.

    C’est férié, mais rappelez vous que c’est parce que des millions de gens sont morts que finalement vous bénéficiez d’une grasse matinée…

    D’après Maritza, il reste un survivant en Angleterre (109 ans tout de même), mais je ne sais pas si le rescapé canadien de l’année dernière, est toujours là. Nous savons que nous n’avons plus de « poilus » en vie en France.

    Et ce qui me fait peur, c’est que le cauchemar en s’éloignant peut faire oublier les horreurs de la guerre…

    In memoriam à tous ces hommes et toutes ces femmes qui ont vécu le pire du pire, dans des conditions abominables, en pensant que c’était tellement atroce qu’après eux PLUS JAMAIS…. LA DER DES DER. Ca fait mal dans le fond de la gorge quand on y pense…

    A voir ou revoir : un long dimanche de fiançaille, les sentiers de la gloire (mes préférés, qui évoquent les mutinés et les mutilés volontaires, et montrent bien ce que c’était)
    A lire ou a relire : A l’ouest rien de nouveau, Les semailles et les moissons, Des grives au loup, et tant d’autres livres consacrés à cette guerre.

    Et surtout, à faire : transmettre le plus possible à ceux qui nous suivent, les souvenirs que nous avons parfois eu la chance de récolter, l’histoire de cette guerre. Et également conserver les lettres de l’arrière arrière grand père, tout ce que l’on a pu trouver sur cette période. Jeter ce serait un crime (il y a des musées pour cela…)

    Hommage à…

    11_novembre

    Elle les a vus passer tout simplement, tous beaux dans leur bel habit, l’air trop accablé. Trop beaux, trop accablés, il ne pouvait y avoir qu’une raison.

    Elle a mis sa jolie robe, sa plus belle robe en fait, une robe crème. Celle qui a le plus de dentelles. Elle a regardé celle en préparation pour son mariage, les « entre deux » qu’elle peaufinait avec soin et venait de terminer. Elle l’a mise en place bien en évidence sur son lit. Elle l’a déposée là comme un message.

    Elle a mis ses jolies botines, est passée par la grange 2 minutes pour garnir son sac, et elle est partie sans se faire voir de ses parents. Une distraction de leur part, une volonté de sa part…

    Elle a marché longtemps longtemps Madeleine, qui traîne quelque part sur cette photo. Elle a marché tellement longtemps qu’elle est arrivée au pied d’un arbre un peu sacré dans la région, tellement beau que l’on pourrait penser qu’il est là depuis la nuit des temps. Un peu loin de chez elle…

    Elle s’est assise sur une énorme racine Madeleine, écoutant son coeur battre trop vite, puis ralentir petit à petit, écoutant monter un chagrin qui ne voulait déboucher sur rien.

    Rien. Pas une larme, pas un sanglot salvateur. Le coeur et les yeux secs, elle écoutait juste son coeur se remettre de la longue marche, faisait appel à ses souvenirs qui la trahissaient. Tout à coup les visages aimés, le visage tant aimé se dérobaient à elle. Et les odeurs, ce qui fait qu’un être est unique… Rien, plus rien. Il n’y avait que la voix que l’on n’oublie jamais, qui retentissait dans sa tête, à en devenir folle. Il n’y avait plus que la dernière fête alors que tout le monde était heureux sans savoir, au cours de laquelle « ils » s’étaient engagés…

    Et le chagrin figé quelque part dans sa poitrine, ne se déclenchait pas vraiment. L’horreur absolue que de ne vouloir qu’une chose : hurler comme une bête le visage contre la terre mère, pleurer à s’en vider la tête, et ne pas pouvoir. Non rien. Pas une larme, juste la gorge bloquée, bloquant tout et surtout la raison qui défaille de toutes manières, tout à coup.

    Juste une vision qui obsède. Ces 3 hommes vêtus de noir, passant devant chez elle, pour aller non loin, elle a bien regardé où ils rentraient, elle n’est pas folle Madeleine. Elle est juste lucide et ne refuse pas la vérité. Si elle est folle, c’est de chagrin qui ne veut pas sortir.

    Une certaine joie depuis quelques jours rodait, et il a fallu qu’ils passent. Dans la maison où ils sont rentrés, ils étaient déjà venus 3 fois. L’accablement était trop visible pour laisser le moindre espoir.

    Le « mortuaire », c’était donc pour Georges, le seul survivant des 4 fils jusque là. Le mortuaire c’était pour les parents, pas pour la fiancée, l’amoureuse qui venait de vivre 4 années de souffrance, d’attente, puis d’espérance.

    Quand les parents de Georges ayant surmonté un peu leur chagrin sont venus pour voir Madeleine et ses parents, des amis de toujours, ils ont trouvé une famille un peu affolée par la disparition de la « petite », la vision de la robe de mariée trop en évidence.

    Il a fallu à l’autre Georges paniqué, le père de Madeleine, qui tournait en rond sans savoir quoi faire, mettre en laisse son malinois préféré sur la demande du père du mort qui lui, avait gardé la tête froide après trop de douleurs. Il a fallu au père de la petite, qui boîtait d’une sale blessure récoltée dans les tranchées, prendre à la main la chemise de nuit de sa fille et ordonner au chien « cherche mon garçon, cherche » après la lui avoir donnée à renifler. Le malinois était ravi : enfin du travail intéressant !

    Il les a menés sans grande hésitation jusqu’au hêtre magique, ce qui leur semblait loin, car tous les hommes valides étaient en fait rescapés d’une blessure quelconque ou un peu âgés. Le chien s’est mis à aboyer en s’asseyant, ravi d’avoir rempli sa mission. Ils n’ont pas compris tout de suite, il leur a fallu lever les yeux à la lueur des lanternes pour comprendre.

    Madeleine s’était pendue à la plus basse branche du hêtre un peu haute tout de même. Sa belle robe était en haillon suite à l’escalade qu’elle avait dû faire, ses chaussures étaient sales. Elle avait fait ce qui lui semblait avoir à faire en y réfléchissant de toute évidence, car une telle gymnastique ne se fait pas sur un coup de tête. Les 2 hommes qui sont montés détacher la corde en pleurant, ont pu en attester. Il avait même fallu à Madeleine une force surhumaine pour arriver à ses fins, à sa fin, sans aide…

    Elle s’était brisé la nuque, donc son visage n’avait pas souffert de sa mort. On a ramené chez elle à la lueur de lanternes, une jeune fille de 22 ans qui n’était pas défigurée et dont les femmes : sa mère, sa soeur, et son ex future belle mère, se sont attelées à faire la toilette mortuaire. Les pères pleuraient sur le désastre de cette guerre qui les rattrapait après l’armistice.

    Elles lui ont mis sa robe de mariée, sans une larme, sans un mot, sans rien de plus à dire…

    La gorge bloquée, le chagrin se refusant à sortir… L’envie d’aller crier comme une bête contre la terre mère en faisant de la boue de leurs sanglots qui se refusaient à venir. L’une avait perdu 4 garçons, l’autre 2 garçons et maintenant une de ses filles. La dernière, innocente, avait elle aussi perdu son fiancé, et maintenant sa soeur, avec laquelle elle pouvait évoquer les heures noires.

    Madeleine. Peut-être une des dernières victimes de la grande guerre, Georges étant mort après l’armistice, 2 jours tout de même après l’armistice que ne connaissaient pas certains postes…

    Tante Hortense et mon arrière grand mère ne manquaient jamais de l’évoquer le jour férié du 11 novembre… Longtemps elle a été pour moi « cette pauvre Madeleine » inconnue, jusqu’à ce que tante Hortense ne m’en donne une photo(graphie).

    Une jolie jeune fille avec le sourire, et une robe claire à dentelles, qui croyait encore que Dieu existe… Je la garde pour moi, pour qu’elle soit une personne qui vous appartiendra un peu.

    Une pensée très forte, méritée, pour toutes les victimes de cette guerre, en ce jour où le dernier aura son hommage national et avec lui, tous les autres…

    Je n’oublie pas les allemands au passage, parce que je trouve stupide de les écarter de cette grande guerre, la der des der… (à lire : à l’ouest rien de nouveau) et de cet hommage. C’est mon avis, et je le partage… Après tout, peut-être reste-t-il un allemand quelque part, encore en vie, qui porte en lui les images de l’horreur…