Comment changer radicalement d’avis… (part 4)

Elodie 1ère année maternelleAlbert continuait à jouer à la guerre avec sa fille en se lassant un peu, pendant que Delphine tétait avec application en se foutant bien pas mal du boucan que pouvaient faire son père et sa soeur. Mais Albert en avait marre de la guerre, et Pulchérie se retrouva bientôt seule à la maison pour faire « PAN ! PAN ! » avec son index et son majeur.

Elle décida donc de fabriquer des raquettes collantes (elle-même ne sait plus pourquoi elle appelait les pièges comme cela). L’appartement s’y prêtait, et l’ameublement aussi. Comme son père d’ailleurs, mais c’est un autre débat.

La distraction légendaire de son père en ce qui concernait le fait de la surveiller réellement, ne pouvait que la servir, je n’étais en tant que mère, qu’une fouteuse de merde dans ses plans bien agencés.

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Comment changer radicalement d’avis… (part 2)

Elodie 1ère année maternellePulchérie devait entrer à la maternelle en septembre 1984 (pile poil AVANT la naissance de la petite soeur prévue pour octobre, ce qui est mieux concernant l’histoire de la jalousie de l’aîné qui n’a pas l’impression que l’on se débarrasse de lui à cause du BB) et attendait ce moment avec impatience, s’ennuyant seule à la maison, même si elle pouvait me brosser les cheveux et faire du tricycle dans le nouvel appartement dont le couloir formait un U, pour aller voir « tateuf » et « rieuse » qui, comme leurs noms ne l’indiquent pas, étaient des garçons.

Le jour J, c’est une enfant enthousiaste que j’ai conduite à l’école, et je suis revenue le midi avec une gamine hurlant qu’elle voulait rester à l’école, ce qui fait toujours plaisir, et en tout cas faisait l’envie des mères dont les gosses hurlaient, eux, qu’ils ne voulaient pas y retourner. Continuer la lecture de « Comment changer radicalement d’avis… (part 2) »

Retournement d’opinion… (2)

Elodie 1ère année maternellePulchérie devait entrer à la maternelle en septembre 1984 (pile poil AVANT la naissance de la petite soeur prévue pour octobre, ce qui est mieux concernant l’histoire de la jalousie de l’aîné) et attendait ce moment avec impatience, s’ennuyant seule à la maison, même si elle pouvait me brosser les cheveux et faire du tricycle dans le nouvel appartement dont le couloir formait un U.

Le jour J, c’est une enfant enthousiaste que j’ai conduite à l’école, et je suis revenue le midi avec une gamine hurlant qu’elle voulait rester à l’école, ce qui fait toujours plaisir, et en tout cas faisait l’envie des mères dont les gosses hurlaient, eux, qu’ils ne voulaient pas y retourner.

Après avoir mal mangé comme de coutume, elle commença à déambuler dans l’appartement, en hurlant « pan ! pan ! » et en pointant l’index et le majeur, les autres doigts bien repliés, d’une manière très caractéristique. A son père arrivé pour bien manger lui, elle tira dessus : « pan papa, tu es mort ! ».

  • « Eh bien me fit Albert philosophe, s’ils commencent à jouer à se tirer dessus dès 3 ans, l’humanité n’est pas sortie de l’auberge… »

Lui non plus  ne l’était pas, mais il l’ignorait encore.

J’appris petit à petit, en discutant avec l’institutrice, une routarde à qui on ne la faisait pas, et à sa collègue non plus (deux classes : petits/moyens, et moyens/grands), que Pulchérie s’adaptait trèèèèèèès bien à l’école et que je n’avais pas à me faire de soucis pour elle.

Les choses se passaient toujours de la même manière, c’était hallucinant d’ailleurs, depuis 25 ans qu’elle exerçait cela n’avait pas changé.

  • Le premier jour, les garçons se tiraient dessus, les filles faisaient de même,stimulées par leurs petits camarades.
  • Le deuxième jour, les garçons se divisaient en deux clans : les méchants, et les gentils.
  • Les gentils avaient la tranchée n° 1 (bac à sable n° 2, le plus loin possible de l’oeil exercé des maîtresses, qu’ils croyaient)
  • Les méchants ‘les boches » (eh oui, il y a 30 ans, les enfants avaient entendu parler des « boches », Pulchérie avait d’ailleurs des arrières grands mères et une arrière arrière grand tante qui avaient « fait » 14/18), avaient la tranchée n° 2 (bac à sable n°1)
  • Restait aux filles, les cantinières par tradition, le bac à sable n° 3 dans lesquelles elles faisaient du sable fin pour nourrir les gentils (je faisais la même chose…).
  • Pour éviter les disputes et crêpages de chignon, les gentils et les méchants changeaient une semaine sur deux de bac à sable, pour changer de statut.

Pulchérie décréta le 3ème jour que faire du sable fin (cantinière ou « la cantine » comme elle me le racontait) n’était pas pour elle, et décida d’aller jouer dans la tranchée n° 2 (bac à sable n° 1) dans laquelle elle débarqua son arme fin prête (la main correctement disposée) pour s’entendre dire que les filles, ça ne fait pas la guerre.

Le chef de la bande qui ne savait pas que Pulchérie était Pulchérie, et qu’elle avait l’habitude de jouer avec son cousin qui n’avait qu’un mois de plus qu’elle, se prit une bonne claque pour lui apprendre si les filles ça ne faisait pas la guerre Puis une deuxième parce qu’il avait eu l’audace de dire « même pas mal ». Après conciliabules avec le reste de la bande, il fut convenu que Pulchérie ferait partie des combattants.

« C’est un cas de figure qu’on ne voit pas tous les ans, les filles vraies combattantes sont extrêmement rares »  nous raconta la maîtresse, alors qu’Albert était venu avec moi la récupérer un samedi midi. Il en éclatait presque de fierté !

Mais mon trésor en sucre rose réalisa le jour même de sa prise de position qu’elle faisait partie des méssants, et décida de passer à l’ennemi et d’investir le bac à sable n°2, donc la tranchée n° 1.

Où un dénommé Zoël, qui commandait les  zentils, l’avait priée de déguerpir, car il ne voulait pas de fille chez lui.

Zoël se prit donc un bourre pif magistral, et déclara en revenant de l’infirmerie avec du coton dans les narines, que Pulchérie était acceptée dans la bande.

Acceptant d’être une méssante une semaine sur deux, Pulchérie continuait à s’entrainer à la maison, ce qui amusait beaucoup son père, qui se mit à jouer avec elle en tirant également avec son index. Pour parachever le chef d’oeuvre, il lui apprit l’art de l’embuscade, et nous passions notre temps à la chercher partout.

SA fille avait su s’imposer, ne se laissait pas marcher sur les pieds, nous n’avions pas à nous faire de soucis pour elle, effectivement. La maîtresse était une sainte femme très psychologue. « Hein ma chérie ? ».

« Ma chérie » commençait à compter les contractions, tout en ne trouvant pas très bien de laisser les enfants s’entretuer comme cela, mais bon, l’ouverture de la chasse avait eu lieu, des fusils, Pulchérie savait ce que c’était, que l’on n’y touche JAMAIS, et que cela tuait des lapins, des faisans, était-il utile de lui faire déjà un discours sur les horreurs de la guerre et ce qu’est réellement la mort ?

Et aurez-vous le courage de lire les autres épisodes, bien évidemment sanglants ?

La vie n’est qu’un long calvaire…

Mademoiselle…

Vieille carte postaleMeilleure amie souhaitant me souhaiter mon anniversaire, est venue samedi, et en a profité pour feuilleter l’extraordinaire collection de cartes postales que Mrs Bibelot conserve soigneusement.

La plus « récente » et la plus émouvante, est celle écrite par mon grand-père en 1917, alors qu’il savait tout juste écrire, à son père gravement blessé et séjournant dans un hôpital de Haute Savoie.

‘mon petitpapajetéme et je vé bienoto venirte voire quand la neige aura fondu » « J’aispairequetu va bien malgré la guerre et je téme ». Ton  fils aimé : Henri

Le SNIF vous n’êtes pas obligé de le partager… Mais moi j’ai connu mon grand-père…

Mon arrière grand mère et ses soeurs, collectionnaient  les cartes postales, et nous avons donc 4 albums à peu près, de 1895 à 1913, celle de 1917 étant l’exception…

Je pense qu’après  Août 1914 elles ont préféré taire ce qui leur avait été écrit…

Première constatation : c’est fou ce que les gens écrivaient. Le cousin Léon étant parti 12 jours à Luchon, avait envoyé 12 cartes. Avec parfois, juste un « Bons baisers ». Mais nous avons TOUT Luchon, en droit en gauche et en travers.

Oui ils écrivaient beaucoup, nous avons par ailleurs quelques cartons à chaussures bourrés de lettres. Et ils écrivaient bien, on voit immédiatement que la calligraphie faisait partie de l’enseignement. Et très tôt, l’orthographe était excellente !

Nous avons été surpris de constater que le timbre était très souvent collé sur la carte en elle-même, et non pas comme nous le faisons, pas toujours au même endroit, et avons eu l’explication en voyant cette carte « les timbres et leur langage ».

Le prétendant de la demoiselle en question, mon arrière grand-tante, qui se languissait d’elle depuis début juillet, ne s’est pas trop mouillé entre le « je vous aime » et le « mon coeur est à vous », mais ils s’étaient sans doute très bien compris.

Car « mademoiselle, votre non visite pour cette cérémonie de Marie, dont je comprends que vous ayez pu être absente rapport à votre propre maman, m’a laissé une blessure au coeur. Je vous attendais »… N’est pas anodin…

Fort hélas il fut l’un des premiers morts de 1914, et tante Hortense ne l’a jamais remplacé.

Une prochaine fois vous aurez droit à certaines cartes « à suite », très roman photo, intactes également, dormant dans leurs albums depuis 1900 et des poussières…

Toutes émouvantes, parfois amusantes…

Quand on referme un album, on regarde d’un autre air, notre téléphone portable dont les textos ne passeront jamais à la postérité.

Quant à nos mails…

TOUS MORTS !!!**

97684120C’est un bleuet, sobriquet donné par les poilus à la classe 17*, parce que les soldats de cette classe n’ont connu que le bleu horizon pour uniforme.

Tout jeune soldat en bleu horizon, il a déjà connu les horreurs de la guerre, et dans sa tranchée, il médite, redoutant le jour qui vient.

Il pense à sa fiancée à qui il a promis, en y croyant vraiment, de rentrer. Il sait maintenant que cette promesse n’était qu’une utopie. Les plus anciens dorment, réfugiés dans la crasse imposée, en proie à la vermine qui les dévore, sous des abris de fortune pour se protéger de la pluie. La vie ici, n’a pas plus de sens que sa promesse d’innocent ne sachant plus ce que peut être « rester vivant ».

C’est la nuit, c’est la trêve, c’est le moment où l’on peut se donner le luxe de penser de différentes façons. Quelques uns qui ne peuvent plus dormir, s’occupent à forger de jolis souvenirs. D’autres écrivent. Pour tous, il est le bleuet. Le petit jeune, celui qui ne sait pas tout, mais qui a tout compris très vite et qui en sait de toutes manières bien trop pour son âge.

L’inconnu auréolé d’une drôle de lumière apparait tout à coup, il pense que c’est une intox de l’allemand de la tranchée d’en face le bleuet, mais pénétré soudain d’une tranquillité suspecte, il renonce à soupçonner n’importe quoi.

Car l’inconnu parle tout à coup, et il faut lui répondre.

  • Soldat, de quoi as-tu peur ?
  • De mourir. Demain, j’en suis certain, nous partirons à l’assaut. J’ai peur de ce jour à venir qui sera peut-être mon dernier jour.
  • Et pourquoi as-tu peur de mourir ?
  • Mais parce que la mort c’est horrible, c’est le rien, le néant, c’est l’absurde… J’ai ma fiancée qui m’attend, des enfants en devenir, ma vie à vivre bordel !!!
  • La mort c’est horrible ?
  • Oui.
  • Tout le monde meurt. Tous les êtres vivants meurent. C’est le destin de la vie, sans la mort, il n’y a pas de vie.
    La non existence représente bien plus que l’existence. Les vivants sont rares…
  • C’est con. Ca fait peur. C’est moche. Ca pue. C’est le néant, le rien, c’est horrible !!
  • Oui peut-être…
  • Tu es venu là pour m’empêcher de penser ?
  • Non, justement, pour te faire penser autrement.
  • Je préfère m’allumer une cigarette que de t’écouter…
  • Ta cigarette ne me dérange pas Bleuet… tu te souviens de tout ce temps où tu n’étais pas né ?
  • Non
  • Pourtant, je peux te dire que cela représente un sacré bout de temps, une éternité presque. Tu vois un peu ce que c’est que l’éternité ?
  • Non
  • Et l’éternité où tu n’existais pas, tu ne t’en souviens donc pas ?
  • Non
  • Et cela te fait peur ? Cela t’a laissé de la peur ?
  • Non
  • Pourtant c’était le rien, le néant
  • Oui mais je ne m’en souviens pas, alors cela ne compte pas.
  • Et quand tu vas mourir, tu vois cela comment ?
  • Tu m’emmerdes
  • Oui, et c’est pour cela que je veux que tu me répondes.
  • Je le vois… je le vois, comme un moment soudain que je n’aurais pas vu venir, un moment où je vais tout oublier.
  • Oublier quoi ?
  • Que j’ai vécu. Je vais même oublier ce putain de bordel de merde de moment où un mec étoilé et lumineux sera venu me parler ici bas où nous sommes déjà en enfer mes compagnons et moi.
  • Pourquoi dis-tu « déjà en enfer »… Tu ne crois en rien après la mort…
  • Non. Quand on a vécu ici, Dieu est tout simplement impossible. Il ne reste que l’enfer, mais…
  • Alors pourquoi as-tu peur ? Puisque tu vas tout oublier…
  • Tais toi ! puisque je vais tout oublier, et j’y pensais avant ton arrivée maudite, ce sera comme si je n’avais jamais vécu !
  • Précisément. Et puisque que l’avant de ta venue dans la vie ne te fais pas peur, pourquoi avoir peur de l’après ?
  • Parce que…
  • Parce que tu ne te souviendras plus de rien ?
  • Oui
  • Parce que finalement, pour toi, tu n’auras jamais existé ?
  • Ouiiiiiiiii
  • Mon petit gars, tu te fais du mauvais sang pour rien. Tu l’as compris finalement. Dès que tu auras exprimé ton dernier soupir, ce sera comme si tu n’avais jamais existé. Dans ton souvenir en tous cas. Qui n’existera plus quand ton crâne explosera et que ton cerveau se putréfiera…
  • Tu es venu pour me remonter le moral ? C’est réussi !!!
  • Non, je suis simplement venu te dire, que quoiqu’il advienne, d’après toi, vous êtes déjà tous morts… Tous les êtres vivants sont morts avant même d’avoir vécu, c’est une triste fatalité.
  • Je te remercie de ta visite, et je ne te retiens pas…
  • Alors je te laisse… Mais de ce que je t’ai dit, retiens le « d’après toi… »

Le Bleuet est rentré intact. Quoique… Effectivement…

Il est rentré pour vivre sa vie, faire des enfants, mais en étant déjà mort… Il n’a laissé qu’un journal commentant cette étrange visite dans les tranchées, qui l’avait laissé à la fois plein d’espoir et de résignation devant la mort et la vie.

Cette année, le 11 novembre, date de l’armistice 1918 tombe un vendredi et vous permet de bénéficier d’un WE prolongé.

J’espère que vous aurez tout de même une petite pensée pour ces millions de morts, ces vies brisées, ces vies gâchées,  qui vous font bénéficier de congés…

Je sais, je radote, mais cette guerre inutile et stupide, n’aura fini de me tourmenter que le jour où j’aurai tout oublié.

Mes peines  et mes joies… Et mes vieilles dames, porteuses de souvenirs et d’hommages… (ICI)

* je précise pour le bleuet, le symbolisme du coquelicot ne vous ayant bien évidemment pas échappé 🙁

** Tous morts, parce que tous ceux qui l’ont vécue cette guerre, sont désormais partis, et que seuls parfois, leurs enfants se souviennent encore d’un mauvais cauchemar d’enfance… Pour moi, ils sont tous morts…