La grande peur

Charuel_HuguetteMaman s’en souvient encore… Mrs Morgan avait été arrêtée par la Gestapo parce que son signalement correspondait à une femme recherchée (c’est elle sur la photo, ma grand-mère, pas la femme recherchée, restez Korrekt NDD et suivez un peu !).

Elle n’était donc pas rentrée à la maison… Elle n’avait rien fait, elle n’était pas résistante, mais elle correspondait à un certain signalement. Elle avait répondu à l’interrogatoire au début assez soft en toute innocence.

Deux hommes en imper noir et véhiculés par une traction, vinrent se renseigner et tombèrent sur Mrs Bibelot qui jouait à la balançoire « oui c’est ma maman Mrs Morgan ! et elle est en retard ! » « non elle ne parle jamais avec le voisin, ils sont fâchés pour une histoire de pommier » (c’était réel en plus et c’était lui le résistant en cause via sa femme).

Mrs Bibelot comme tous les gosses ne s’inquiéta pas plus et continua à se balancer… Jusqu’au retour de son père à qui elle raconta la visite des hommes en impers noirs.

Il est devenu livide paraît-il, elle le revoit encore devenir blême être obligé de s’assoir. Et si sa femme était active dans la résistance sans le lui avoir dit ? Mon dieu quelle horreur, qu’allait-elle devenir ?

La femme qui ressemblait à Mrs Morgan ayant été découverte, cette dernière rentra chez elle vers 22 H. La Gestapo fut correcte et la ramena en voiture avec des excuses (il était important que les allemands soient corrects, mais finalement on apprend que les gens s’en foutaient qu’ils soient corrects : qu’ils soient corrects chez eux et point barre…)

Elle s’effondra dans le canapé, demanda la bouteille d’alcool, de n’importe quoi, à boire. Mon grand père alla taxer le voisin (le bon, l’autre, pas celui qui avait menacé la vie de sa femme et à qui il n’avait (ignorant tout du reste) qu’à reprocher une histoire de pommier) et elle descendit paraît-il une bouteille de prune en deux heures en pleurant, tellement elle avait eu la trouille, sentit qu’il pouvait se passer n’importe quoi, que tout pouvait basculer d’un moment à l’autre, alors qu’elle n’avait rien à dire (elle l’a toujours dit : « pas besoin de me torturer, j’aurais tout craché tout de suite, mais là ils pouvaient faire ce qu’ils voulaient je n’avais rien à dire et j’aurais vécu quoi ? »…

Mon grand père qui envisageait de faire quelque chose, renonça ce jour là… Pas envie de voir les hommes en noir embarquer sa femme et sa fille… Il décida donc de faire partie des neutres…

Le fit-il réellement ? Il était tellement secret que nous ne saurons jamais, et la question reste en suspens… A-t-il ou non fait quelque chose ?

Ce secret là est parti avec lui… Peut-être a-t-il trop insisté sur sa neutralité… Et peut-être à y bien penser aujourd’hui, a-t-il été trop en relation avec Robert à une certaine époque…

Ce passé désormais fermé, m’est par période insuportable… Je voudrais tant savoir pour en transmettre le plus possible

C’était le 9 octobre 1943. Une date que ni mon grand père, ni ma grand mère n’ont jamais oubliée…

3 réponses sur “La grande peur”

  1. Dommage effectivement que tu n’aies jamais pu savoir…
    Il y a aussi eu une « grande peur » chez moi le jour mon grand-père, avec mon père adolescent, ont été interrogés, suspectés d’être Juifs… mais je suis là, donc tout s’est bien passé ! 😉

  2. Gisèle : il y a eu d’autres « grandes peurs », malheureusement suivies d’effets, et des secrets emportés dans les tombes… Même longtemps après, ils n’aimaient pas parler de cette époque, ou « se vanter » peut-être… Juste un plus, un jour, un cousin issu de germain, de mon arrière grand-père qui, protestant (un renégat :-)), s’appelait Abel, avait été convoqué pour prouver qu’il n’était pas juif puis était rentré chez lui en se posant enfin LA QUESTION « mais que se passe-t-il avec les juifs NOM DE DIEU ? ».
    C’était en 1942.

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