Le 25 décembre…

Le choix fut difficile des bêtes à acheter pour boulotter vaguement le 25 décembre. Choix cornélien. Chapons ou dindes ? Dindes ou poulardes ? poulardes ou oies ? (mure ou cassis ?)

Finalement Jean Poirotte préférant les dindes, ce fut dindes…

Vous avez dû remarquer au cours de vos lectures précédentes, et ce, depuis le début, que je suis du genre très matinale, à me lever avant le soleil, pour aller gambader dans l’herbe (gelée) dès le soleil levé, comme dans les chansons…

Donc après « Madame Sans Gêne », tout le monde était allé se coucher, fallait prendre des forces pour le lendemain. D’autant qu’il nous avait fallu aider Jean-Poirotte à farcir les dindes et à leur coudre le cul (« je mets mon doigt là, fais un noeud, pas comme ça, et gnagnagna)

Et le lendemain est là, et me voici réveillée par une odeur, une odeur de dindes au four. J’allume la lumière, je regarde ma montre : 10 H 10.

Ca c’est ma mère, mon père dormant forcément encore. C’est tous les ans la même chose. Comme elle et Jean Poirotte mangent à des heures indues (12 H Tapantes, 19 H Pétantes), elle oublie que les dimanches et jours fériés, ça ne va pas être forcément 12 H…

Je me lève, et je dégringole les escaliers pour arriver dans la cuisine où effectivement les dindes ont commencé à dorer (pauvres bêtes, qui elles, ne gigotent plus…)

  • Mais enfin maman, c’est beaucoup trop tôt ! (je coupe le four, fille indigne), le boucher t’a précisé 3 H 30 de cuisson et il est 10 H 1/4
  • Et alors ?
  • Mais enfin maman, on ne va pas découper les dindes avant 15 H !
  • N’importe quoi…

Elle sent bien que sur ce coup là qu’elle n’aura pas gain de cause… Arrive mon père aussi bien coiffé que moi.

  • Quoi qu’il se passe ?
  • Les dindes sont déjà dorées !
  • Mais enfin Bibelot ! c’est beaucoup trop tôt. C’est tout ta mère ça (je sais) !

Du coup maman a prétexté aller s’occuper des couteaux. J’avais quant à moi du pain sur la planche : à m’occuper de disposer le saumon dans les bons plats, faire la crème l’accompagnant, superviser la sortie des plats nécessaires au reste, et surtout, m’occuper du feu dans la cheminée. C’est à moi que ça revient. J’ai dû être vestale dans une vie antérieure et cela a conditionné mes parents pour le choix de mon prénom typiquement latin. En plus j’adore m’occuper du feu.

Donc, douche prise, maquillage fait, parfum mis, vêtements de fête enfilés (que du noir), j’ai allumé le feu, j’ai pesté contre le bois qui charbonne et autres joyeusetés d’allumage de feu, pendant que maman, sournoisement, allait rallumer le four des dindes que mon père sournoisement, éteignait tout de suite.

Ils se sont sournoisement réconciliés sur mon dos, quand j’ai pronostiqué, en commençant à sentir « l’air du temps » aussi fumé que le saumon, que les dindes ne seraient pas découpées avant 15 H

  • N’importe quoi !
  • Tu ferais mieux de t’occuper de ton saumon !

Chacun amenant sa part, il y eut l’arrivée du foie gras, des charlottes, des petits fours à apéritif, des huitres, des jeunes sans rien. Il était 12 H 30 quand tout le monde fut là, et je continuais mon pronostic de découpage de la dinde à 15 H. Ma mère, commençant à sentir que j’avais peut-être raison, me demanda de rester discrète dans mon coin du feu,  quand le four des dindes fut officiellement remis en service avec l’approbation de tout le monde, chacun ayant fait ses savants calculs tel Einstein, pour en arriver au pif à la même heure que moi…

Ouvrir les huitres (pauvres bêtes !), qui sert l’apéritif ? qui prend quoi ? 13 H 15 quand tout commence (l’apéritif)… On commence par les huitres ou le foie gras ? Question éternelle de TOUS LES ANS ! Avec toujours, le seul opposant isolé du foie gras en premier.

Et au moment de passer à table « pourquoi on n’a pas de couteaux ? »…

Et quelle heure était-il quand Jean Poirotte et ma belle soeur se sont rendus dans la cuisine pour découper les pauvres bêtes ?

15 H 05.

Je m’étais gourée de 5 minutes… Et en plus elles étaient un peu trop cuites… J’ai préféré avoir le triomphe modeste en allant réalimenter le feu d’une buche (de Noël).

Evidemment, pour éviter l’indigestion, Jean Poirotte a pris sa guitare, mais nous n’avons pas trop chanté comme jadis. Pulchérie et le gentil venus nous rejoindre pour le dessert après le repas chez les parents du gentil (à l’heure de la dinde, à savoir que Pulchérie s’est servie en dinde, farce et marrons et que je me suis demandée si c’était bien la même qui jadis était full up avec 1 oeuf coque), ainsi que les cousins/cousines n’étant pas trop fan de chanter à Noël.

Et puis le temps a passé, il y a eu le repas du soir (forcément on avait vraiment faim) avec les rescapés dormant là, ou peu pressés de rentrer chez eux.

Et c’est une sorcière réconciliée avec les fêtes de fin d’année, enfin la première,  qui est allée se coucher, toute guillerette.

Oui c’était un joyeux Noël, et seuls manquaient ma Delphine et gendre n° 2 partis en Bretagne, pour que la réussite soit complète !

Mais après tout, l’année n’était pas terminée…

Le 24 décembre…

Les parents devant recevoir 13 personnes le 25, Mrs Bibelot m’avait demandé d’arriver le 24 « tôt dans l’après midi », pour lui donner un coup de main.

Je devais dormir chez eux le 24 et le 25 au soir, j’ai donc débarqué avec deux cabas : un avec mes effets personnels (ça sonne bien) et l’autre avec tout ce qui concernait le saumon (ça sonne nettement moins bien mais c’est très important)…

J’ai bien fait d’arriver « tôt dans l’après midi », ils faisaient leurs siestes, elle dans la chambre conjugale, et lui, comme de coutume, sur le canapé du salon. Sale manie qu’il a depuis toujours, parce que c’est tout juste si l’on peut respirer à proximité… Et quand on le réveille de sa sieste, il est de mauvais poil. Fatalement en déballant tout ce qui concernait le saumon, je l’ai réveillé (aïe). D’un autre côté il a le sommeil léger et c’est la raison pour laquelle il nous enquiquine à faire sa sieste dans le salon (où théoriquement tout le monde peut passer) depuis mes au moins 14 ans, âge où j’ai répondu à ma mère qui me faisait « chut ! » « il n’a qu’à aller dormir ailleurs… ». Donc le problème remonte à loin et là, tout à coup, j’ai comme l’impression que vous n’en avez rien à faire…

Puis maman s’est réveillée toute seule « tiens tu es là ? », ben oui, c’est moi… Quelle surprise aussi, tu m’attendais demain ?

Episode 1 : préparer la table pour le lendemain. Mes parents ont une très vieille jolie table à laquelle on peut mettre des rallonges (enfin si cela peut s’appeler comme cela, car en fait on ouvre la table et on met les « rallonges » dans le milieu)… 3 très exactement, qu’il faut mettre dans le bon ordre pour qu’elles s’emboitent et que je me demande pourquoi mon père normalement pratique refuse à numéroter d’une manière ou d’une autre pour qu’on ne tâtonne pas A CHAQUE FOIS.

Donc on se prend le chou pour mettre les rallonges, et on dit plein de gros mots. Après, Mrs Bibelot a sortit LA nappe de Noël et à moi la joie de mettre la table parce que ce n’est pas le tout, mais pour le soir, il y a 4 homards à assassiner et à cuisiner après.

  • Quel service de table ?
  • Quels verres ? (ma mère est très à cheval sur la table, mais en fait tout est dépareillé)
  • Quels couteaux ? Les couteaux, c’est une institution dans la famille, car ma mère n’a que de vieux services avec des couteaux qui n’ont pas une lame acier inoxydable et qui réclament un tampon spécial pour le nettoyage. Ce sont ces vieux couteaux à lame oxydable qui ont fait que jadis, il était inconvenant de les mettre dans la salade, le vinaigre les oxydant… De nos jours il est toujours grossier paraît-il de mettre un couteau dans la salade alors que la vraie raison du pourquoi du comment n’existe plus.
  • « Laisse » me dit ma mère « je m’en occuperai tout à l’heure demain au dernier moment« . En effet, certains détestent ces couteaux et il faut piocher dans un autre service, dépareillé…

On ne réveillonne pas chez mes parents, à savoir qu’on ne dîne pas tard,… Jean Poirotte ayant décortiqué le programme TV se trouva fort heureux de l’arrivage (bruyant et réveillant) de 7 DVD à moi : des pièces de théâtre. Restait à ce que l’heureux couple de 51 ans de mariage se prenne le chou pour savoir quelle pièce on regarderait.

Et à tuer ET cuisiner les homards… Ce qui fut forcément épique.

Car normalement je regarde mes parents cuisiner sans piper mot (surtout pas !), mais comme j’avais contribué à l’achat de ces pauvres bêtes, j’ai été dans l’obligation absolue d’y mettre mon grain de sel. Ce qui fait qu’au lieu d’être 2 à se faire des suggestions et à répondre à l’autre « fous moi la paix », nous avons été trois.

  • Seule unanimité : Jean Poirotte tue tellement bien les homards et prépare tellement bien les morceaux que ma mère et moi l’avons laissé faire, sans proposer nos services. Moi en terminant de mettre la table, elle en regardant pour dire « ah mon dieu pauvre bête » à chaque coup de mitrailleuse lourde couteau de l’assassin dans la cuisine.
  • Puis il a voulu faire revenir les morceaux dans la cocotte.
  • Mrs bibelot voulait qu’il fasse revenir l’échalotte avant d’y ajouter les morceaux de homards (qui remuaient encore c’est horrible)
  • Moi j’ai fais remarquer que l’huile d’olive ce n’est pas armoricain du tout.
  • Puisque c’est comme ça démerdez vous. A dit Jean Poirotte, pour regarder quel choix de pièces de théâtre IL avait.
  • Ma mère a fait rissoler l’échalotte sans jeter l’huile d’olive, sans faire gaffe aucune à ma remarque désobligeante concernant la même huile (je la reconnais bien là…)
  • Puis elle a voulu commencer directement la sauce et j’ai fais remarquer que moi je ne procédais pas comme ça, comme si je mangeais du homard tous les jours
  • Puisque c’est comme ça démerde toi, m’a dit ma mère en me tendant la mouvette en bois et en allant regarder les pièces de théâtre pour dire à Jean Poirotte que « madame sans gêne » ne la tentait pas et qu’elle préférait « j’y suis j’y reste ».
  • J’ai fait revenir les morceaux de homards qui remuaient encore (qu’elle horreur !) et j’ai commis le crime absolu de mettre le vin blanc sans demander l’avis de personne.
  • On m’avait dit « démerde toi… »
  • Ma mère a dit qu’elle mettait la farine avant le vin blanc après avoir retiré les morceaux de la cocotte
  • Mon père a dit qu’il était d’accord avec moi, pour voir à la fin s’il fallait ou non de la farine à rajouter suivant un procédé bien précis pour éviter les grumeaux
  • Mrs Bibelot a décrété qu’elle se chargeait des homards et qu’on n’avait qu’à la boucler. (Elle n’a pas arrêté de se plaindre que sa farine avait fait des grumeaux jusqu’à, pendant, et après la dégustation finale… (donc pendant la pièce, mais laquelle !))
  • Nous l’avons laissée faire, alors que je précisais à mon père que je préférais revoir « le noir te va si bien », non sans quelques rappels. Qu’elle a très mal pris, surtout quand elle s’est rendue compte qu’elle avait effectivement oublié la tomate (armoricaine elle aussi).
  • Puis, suivant la recette d’une amie bretonne pure souche, elle a mis dans la sauce tout un tas de trucs, qui ont transformé le homard à l’armoricaine en homard à l’internationale, puisque la copine bretonne mettait dans sa sauce : un dé de pastis, du martini, du whisky, en plus du vin blanc.
  • J’ai trouvé que le dé de pastis ressemblait plus à une tasse (j’aime pas l’anis), et j’ai persisté pendant la dégustation des pauvres petites bêtes (dont certains morceaux remuaient encore, quelle horreur !), alors que Jean Poirotte trouvait que non pour le pastis, mais que cela manquait de sel (pourtant ça ne manquait pas de sel du tout cette histoire…)
  • Mrs Bibelot au moment du dessert alors qu’elle préparait la sauce restante à congeler, nous a précisé que la prochaine fois, elle nous laisserait nous démerder tous seuls, en ricanant dans son coin. Vous pensez bien que c’est le genre de ma mère d’aller s’installer dans son fauteuil en ricanant, en laissant son mari et son ainée cuisiner sans elle. Curieusement Jean Poirotte et moi sommes très souvent d’accord contre elle, pour telle ou telle recette… (un exemple : elle est contre mettre du vin blanc dans certaines préparations, alors que nous adorons TOUS (sauf elle il faut croire) les sauces au vin blanc…)
  • Et puis tout le monde est allé regarder « Madame Sans Gêne » non sans plaisir. Parce que sur le plan du choix du programme TV, Jean Poirotte l’emporte toujours. A mon avis il a des moyens de rétorsion contre ma mère, dont je ne veux même pas savoir en quoi ils consistent…

Je dis « tout le monde », parce qu’il y avait ma soeur qui n’est pas comme tout le monde, qui, pas folle la guêpe, se garde bien de se montrer quand ses parents font la cuisine… S’ils s’entendent fort bien par ailleurs, ils ne peuvent s’empêcher de « se boutiquer » dès qu’il s’agit de recettes et de plats à préparer…

Et au moment où tout le monde s’est avachi pour regarder la pièce, j’ai constaté que le problème des couteaux, n’était toujours pas résolu…

Donc, à suivre…

A lire ou à relire "les gens de Mogador"

Vous allez vous dire que je passe mon temps à RElire et que je ferais mieux de LIRE, mais c’est ainsi, il y a eu la fin 2008, période où le moral est moyen, et où donc, je n’arrive pas à me concentrer sur un nouveau livre. Donc je relis. C’est déjà ça, au plus noir de mon chômage j’étais incapable de lire autre chose que la comtesse de Ségur (née Rostopchine)…

Pour ceux qui connaissent, pour se remonter le moral, « les gens de Mogador » ce n’est pas vraiment le top. C’est la vie quoi. Pour ceux qui ne connaissent pas, c’est à lire, pas à l’eau de rose du tout (j’ai dit que c’était la vie).

C’est la seule saga où j’ai accepté de passer d’une héroïne à l’autre, avec plus de difficultés pour la dernières, les deux autres n’étant plus là.

On commence avec Julia, petite jeune fille rebelle à la tyrannie paternelle, qui a décidé qu’elle épouserait Rodolphe et pas un autre. On ne peut pas marier une jeune fille de force (il suffit qu’elle dise « non » et c’est terminé ET le scandale) et elle ne peut se marier contre l’avis paternel qu’à sa majorité de 21 ans, après avoir fait délivrer à son père les « sommations respectueuses ». Quelle époque ! Julia va endurer le couvent où l’enferme son père, et attendre « sagement » sa majorité pour épouser son Rodolphe et entrer en maîtresse à Mogador, royaume non loin de la Camargue qui ne pouvait que me plaire, moi qui aime tant la Camargue et y ai passé tant de vacances.

On découvre avec Julia, la vie des jeunes filles de bonne famille au couvent, leur innocence relative de la vie, les convenances d’un certain milieu, ça se lit tout seul. Et puis Julia mariée et la vie qu’elle mène : maîtresse d’un domaine comme Mogador c’est du dur travail toute la journée. Et les enfants qui vont venir, et ceux qu’elle va perdre. Quand je le relis, je redécouvre à chaque fois les deuils… et le veuvage.

Julia est toujours là quand son fils héritier survivant épouse Ludivine. Ludivine est une jeune fille ambigüe et parfois agaçante, possessive et jalouse, face à un homme agaçant également (c’est simple, le Frédéric, je le pilerais volontiers à chaque relecture). Sa meilleure alliée est sa belle-mère, et elle ne dirige que peu Mogador, jusqu’à la mort de Julia, sauf en cas d’urgence. Elle aussi vivra de nombreux deuils pendant la guerre de 14/18. C’est quand elle meurt qu’on se dit qu’elle va nous manquer…

Dominique, sa fille, clôture la saga. Quasi seule survivante de sa fratrie, elle aime son cousin, marié dans des circonstances douteuses, avec une Alsacienne, pendant 14/18. C’est le personnage, non pas non attachant, mais dont j’aime le moins l’histoire. C’est finalement l’annonce de la mort du domaine, une vie brisée par un amour impossible qui se termine pendant la dernière guerre mondiale à la mort de l’amant toujours amoureux fou de sa cousine depuis toujours…

Surtout, ce qui me plaît dans cette saga, c’est cette interrogation constante sur la vie, son déroulement, le qui suis-je, où vais-je, à quelle allure y courge ? L’auteur de toute évidence ne peut cacher qu’elle s’est beaucoup interrogée sur le sens de la vie et de la mort, sans jamais d’ailleurs être rasoir sur le sujet. Et le temps assassin qui passe serait presque le véritable héros de cette saga.

Il en avait été fait un excellent feuilleton, collant pile poil aux livres, qui a été remanié il y a une dizaine d’année par le metteur en scène. Elisabeth Barbier, l’auteur, n’ayant pas aimé Marie José Nath pourtant excellente dans le rôle de Julia, avait demandé un remaniement du scénario depuis le temps qu’elle s’opposait à toute rediffusion. Du coup quand je l’ai revu c’était n’importe quoi, et quand je songe à la Camargue, ses roubines, et ses villes maîtresses, je relis « les gens de Mogador ».

Si vous en avez l’occasion, homme ou femme, c’est à lire !

Parce qu’en plus c’est aussi un rappel de la vie que menaient les gens. Tôt levés, tôt couchés, toujours en train, qui avaient autre chose à penser qu’à leur disque dur. Riches et pauvres dépendant de toutes manières de la terre.

Je ne les envie pas, simplement, il faut se rappeler que la vie a toujours été une suite de problèmes, et que si nous en avons changé, nous n’avons rien à envier à nos ancêtres…