Les étranges histoires familiales, part 2.

Simone_02Le prisonnier partit en stalag où il resta bien trop longtemps.

La guerre n’était pas terminée quand Mrs Tricot eu connaissance d’un moyen de libérer son mari.

Elle était toujours capable de n’importe quoi pour faire rentrer son mari le plus rapidement possible, malgré le temps passant, n’ayant déjà que trop passé.

Les allemands renvoyaient chez eux les « soutiens de famille ».

Avec la complicité de son père (toujours à la mairie), devenu faussaire pour une bonne cause elle se retrouva avec un acte de décès de ce dernier (considéré par les allemands comme le chef et soutien de famille en ce qui la concernait), + deux actes de naissance de deux jumelles nées en 1940, à une date plausible par rapport à la dernière permission de son mari, s’appelant Colette et Michèle.

Je me demande quel effet cela a fait à mon arrière grand père de rédiger sur du papier officiel son propre acte de décès. Les faux papiers n’eurent pas l’occasion de servir, après le débarquement les allemands ne libéraient plus personne de leur plein gré, mais les papiers étaient bel et bien là, au cas où.

Et le prisonnier rentra.

Mrs Tricot se retrouva enceinte immédiatement ou quasi (à son avis le soir même du retour).

Ils surent assez tardivement qu’il s’agissait de jumeaux (à l’époque il fallait attendre la naissance pour savoir de quels sexes il s’agissait). Là déjà, sans doute dans la tête de Mrs Tricot avait commencé un travail que personne d’autre qu’elle ne pourrait analyser.

Et au bout du compte, ce sont bien deux petites filles qui sont nées, qui se sont donc appelées : Colette et Michèle.

Le destin est étrange, ou nous voulons le voir comme tel. Les filles auraient pu s’appeler autrement que comme sur de faux papiers qui n’ont jamais servi…

Mais bon, avoir ces jumelles déjà nommées, imaginées sans qu’elles existent déjà, avait dû les marquer tous les deux. Comme s’il y avait un destin à respecter absolument…

Le père de Mrs Tricot n’était pas mort, mais les jumelles sont bel et bien nées, alors quelque part, elle devait respecter le destin qui l’avait inspirée…

C’est après que tout soit terminé qu’elle a trouvé la foi, et fort malheureusement un peu enquiquiné sa famille avec…

Mais notre destinée n’est-elle pas étrange parfois et même souvent ?

Les étranges histoires familiales part 1.

Simone_02Sur cette photo : la maman de Jean Poirotte, autrement dit ma grand mère paternelle.

C’était ma grand mère, et cela reste pour moi une grand mère, timorée parfois dans certains cas, culottée dans d’autres, cas plus rares, une femme que finalement je ne connaissais pas..

Comme disait mon père, son fils « nous ne savons rien de nos parents ». Et il avait raison. Ca et là tout de même percent quelques histoires, surtout pour ceux qui ont vécu une époque troublée…

Mrs Tricot était pour moi « j’ai peur de tout ». J’avais bien entendu sa mère me raconter qu’à 19 ans elle s’était offert un baptême de l’air sans l’autorisation de son père, mais j’étais trop petite pour me rendre compte du traumatisme que cela avait été pour mon arrière grand père.

1940, le prisonnier est capturé sur une plage de Veule les Roses…

Il en parlait peu. Un jour il m’a raconté « le coup de la morue », qu’une paysanne désolée par tous ces prisonniers dans ses champs, était venue leur distribuer pour qu’ils aient à manger, et de la soif qui les avait hantés après, toute la nuit…

Il parlait peu de cette débâcle qu’il avait vécu comme une humiliation, nous disant de temps à autres, qu’il s’était endormi à côté d’une batterie de 75 (il était dans l’artillerie à cheval), tellement il était épuisé. Ou nous expliquant que son armée et son pays n’étaient pas préparés vraiment d’où cette défaite sanglante tout de même, et si rapide.

Puis le prisonnier partit vers une destination inconnue, avec arrêt dans une ferme dans la zone interdite. Miracle, il put faire passer une lettre à sa femme.

Ma grand mère, celle qui n’osait rien, beaucoup plus tard.

Zone interdite, peu connue de la jeune génération. Elle tarabusta son père qui était conseiller municipal (avant d’en devenir pour des années, l’adjoint au maire)  à la mairie du village toujours occupé par mes parents qui s’y sont connus.

Elle lui a extorqué de faux papiers. Pour elle, et pour mon grand père.

Elle a pris des vêtements civils pour mon grand père, et elle est partie sur les routes, telle Amélie dans « les semailles et les moissons ». Pour son mari elle était prête à tous les culots et elle les a eus.

Arrivée à la frontière de la zone interdite, à peu de km de la ferme où séjournait mon grand père, elle a pu attendrir un fermier. Sa femme et lui lui ont fourni des vêtements de paysanne et elle est partie avec lui, livrer des légumes, pour arriver dans la ferme où elle a retrouvé son mari.

Elle disait juste sobrement qu’il y a des nuits qui valent une vie. Elle est restée deux jours avec son mari, essayant de le convaincre de revenir avec elle. Tout était prévu avec le fermier, il passerait la ligne sous un convoi de légumes. Il serait en civil pour le reste, avec de faux papiers, elle était prête à tout.

Sauf que lui, les allemands lui avaient dit, comme aux 9 autres, que s’il y avait une évasion, tous les civils seraient fusillés… Il ne pouvait pas imaginer une chose aussi horrible : être responsable de la mort d’une famille. Il avait déjà vu…

Sauf que lui, comme beaucoup, ne pensait pas que cela pourrait durer et durer et durer. Il pensait être rentré chez lui en moins d’un an…

Et qu’il a donc refusé de la suivre, ne voulant pas apprendre un jour qu’il avait été responsable de morts innocents. Parce qu’il se connaissait et qu’il y serait retourné.

Elle est donc repartie, en paysanne, ayant laissé quelque part, les faux papiers, les vêtements civils de son homme qui n’avait pas voulu la suivre, en pleurant.

Mais elle l’a fait son odyssée en zone interdite, prête à tout…

Ma grand mère… Qui n’osait pas dire au boulanger que son pain était mal cuit (mais signalait sur la plage, aux allemands, qu’ils avaient oublié leurs bouteilles de coca…)

Qui avait encore de la ressource….

Car c’est la part 2 qui vous révèlera pourquoi, il y a d’étranges histoires…

La Brinvilliers !!!

La Brinvilliers« Ainsi c’est fait, la Brinvilliers est en l’air »…

Ainsi débute la lettre de Madame de Sévigné à sa fille, le 17 juillet 1676.

J’ai toujours adoré cette adorable marquise, son style, et je signale à ceux qui ne connaissent de la saga des « Angélique marquise des anges » que les sombres daubes de films qui ont été faits, que dans les livres fort exquis, la marquise est une amie de l’héroïne (il faudra que je revienne sur Angélique d’ailleurs, il y a un moment que je veux écrire à son sujet).

J’avais il y a maintenant fort longtemps hélas , demandé à Mrs Bibelot où elle avait bien pu mettre son livre sur les lettres choisies de Madame de Sévigné car j’avais bien envie de les relire, pour m’entendre répondre qu’elle  n’avait jamais eu ce livre là, et que j’avais dû  l’emprunter à une bibliothèque quelconque (c’était tout ma mère…) Je suis bouquinovore, j’ai près de 2000 livres chez moi, chez mes parents il y en avait au moins le quadruple mais bon, j’ai été obligée à une époque de m’inscrire dans une bibliothèque (c’était cela, ou m’acheter une grande maison…).

Je pense que beaucoup d’ados me prendraient pour une folle à aimer lire la marquise de Sévigné. A une époque, on en a brûlé pour moins que cela…

Delphine a beaucoup de dons me concernant, à tel point que nous pensons parfois avoir une relation télépathique :

  • Si j’ai un coup de mou dans le genou, c’est pile poil le moment où elle appelle pour finalement me remonter le moral
  • Si je suis à poil car je sors de mon bain (ceci à heures non régulières), c’est pile poil (je me gausse) le moment où elle m’appelle pour que je lui remonte le moral
  • Si je suis aux petits coins je ne me demande jamais pourquoi mon portable a sonné : c’est Delphine
  • Quand je suis aux toilettes ou que je sors de mon bain, c’est fatalement « allo maman bobo »
  • Et puis pendant que nous discutons, justement elle y pensait aussi, ou moi.
  • C’est comme cela.
  • Je n’ai pas ce genre de relations avec Pulchérie qui vole allègrement au dessus de la stratosphère, voire au delà du système solaire régulièrement… (je peux le dire, elle le reconnait).

Mes deux filles étaient donc venues ce WE pour me souhaiter mon anniversaire (sans gâteau et sans bougies, les traditions se perdent mais 56 bougies en plein mois de mai, cela réchauffe trop l’atmosphère  sans doute…). L’Arlésienne était venue nous rejoindre le samedi après midi et nous avons papoté dans le salon.

Mes parents devenant de plus en plus sourds trouvaient paradoxalement que nous faisons de plus en plus de bruit… Donc ils restaient dans leur cuisine, comme de coutume, pour faire leurs mots croisés sadiques (il faut mettre les cases noires soi-même, c’est du force 6, je ne cherchais même plus à comprendre le pourquoi du mot trouvé d’après la définition).

Delphine descend de la chambre VERTE qui était LA SIENNE quand elle venait. Moi je dormais dans la chambre ROSE, Pulchérie également normalement. Nous étions prêtes à nous entretuer pour avoir LA CHAMBRE QUI VA BIEN ET QUE JE DORS TOUJOURS LA D’ABORD… La couleur des chambres étant déterminée par celle du papier peint…

Delphine descend donc de la chambre VERTE avec à la main, le livre des lettres choisies de Madame de Sévigné (comme par hasard, alors que je n’en avais pas parlé avec elle). Que je m’en vas immédiatement fourrer sous le nez de ma mère en lui demandant si elle se prend pour une bibliothèque. (Elle le pourrait…).

Là les choses vont se corser :

  • L’Arlésienne n’a pas trop envie de faire tapisserie avec Delphine en train de lire madame de Sévigné car :
  • Pulchérie s’absorbe dans la lecture du mode d’emploi de son nouvel appareil photo. Quand elle connaît le mode d’emploi par coeur, elle change d’appareil. Chacun ses plaisirs…
  • Je louche sur le livre, donc la conversation risque de s’éteindre.
  • Mais Delphine le sent bien, et me refile le livre car je veux relire tout de suite, immédiatement, et sans aucun délai, la lettre fameuse (pour certains) que la marquise a envoyée à sa fille le lendemain de l’exécution de la Brinvilliers. Pourquoi cette lettre là et pas une autre, je n’en sais rien. Je sais simplement que je vais emprunter le livre pour le relire (et le rendre après parce que sinon, ça m’encombre).

Je me sens un peu seule sur ce coup là, l’histoire n’étant pas trop le fort des autres (mes parents sont dans la cuisine) et les premières lettres parlant de Fouquet, je sais que je ne vais pas tout de suite tomber sur la Brinvilliers.

En effet quand « Angélique Marquise des anges » débute, Fouquet est déjà en prison, et dès le deuxième tome, François Degrez, son ami, dont j’ai su tardivement qu’il avait réellement existé, est déjà sur la piste de la marquise de Brinvilliers…

  • Je feuillette le livre à vive allure, cherchant la première phrase célèbre « ainsi c’en est fait, la Brinvilliers est en l’air ».
  • « Tu veux lire quoi ? me demande Delphine à qui j’ai piqué le bouquin (à remettre en état)
  • J’explique. Je cherche la lettre relative à l’exécution de la Brinvilliers.
  • Pulchérie lève les yeux de sa notice « de qui ? »
  • La Brinvilliers !
  • C’était qui ?
  • Une empoisonneuse célèbre…
  • Ah ? (se replonge dans sa notice en 6 langues, la pierre de Rosette du 21ème siècle)
  • Je décide d’aller voir dans le dictionnaire quand est morte la Brinvilliers, car les lettres de la marquise sont éditées chronologiquement (je ne vais pas m’attarder sur 1674 bêtement).
  • Mes parents mis à contribution prennent chacun un dictionnaire. Ils en ont 6. Ne ricanez pas. Régulièrement des mots disparaissent et de nouveaux mots apparaissent, donc, quand on fait du force maximum en mots croisés qu’on met les cases noires soi-même, avoir des dictionnaires de 1901 à nos jours, c’est utile.
  • On ne trouve pas la Brinvilliers. Jean-Poirotte et Mrs Bibelot unanimes trouvent que c’est un scandale.
  • Delphine qui s’est servi du I-machin chose me crie : « j’ai trouvé, elle a exécutée le 17 juillet 1676
  • Pulchérie : « qui ça ? »
  • Ma soeur + Delphine : LA BRINVILLIERS !
  • Moi : « merci ma chérie ». Je tombe sur la lettre et je la relis avec plaisir. Delphine me demande de lire tout haut, QUE TOUT LE MONDE EN PROFITE.
  • L’Arlésienne est morte de rire : deux obsessionnelles : une avec sa marquise et l’autre avec son appareil photo…
  • Pulchérie « de qui est-il question ? »
  • Ma soeur, Delphine, moi : « DE LA BRINVILLIERS » !
  • « C’est qui ? »
  • UNE EMPOISONNEUSE !
  • « Oui mais quand, comment, pourquoi ? »
  • Moi (lasse, comme quand je regarde le programme d’histoire de la petite fée) : tu n’as jamais entendu parler de l’affaire des poisons ?
  • « Non » (se replonge dans son mode d’emploi et l’ouverture de la focale à visée grandiose mais sans macro…)
  • « Enfin ma chérie, tu n’as jamais entendu parler de l’affaire des poisons, sous Louis XIV ? dans laquelle madame de Montespan elle-même a été impliquée ? »
  • « QUI ? » (là j’exagère, mais la petite fée par exemple, n’a jamais fait saint Louis et les croisades… donc un jour un enfant demandera peut-être qui était Louis XIV et la Montespan…). J’espère que Pulchérie parlait de la Montespan, car je suis certaine qu’elle a entendu parler de Louis XIV…
  • Delphine reprend enfin son livre « ainsi donc la Brinvilliers est en l’air »…
  • Pulchérie lève les yeux de son mode d’emploi « QUI ça ? »
  • Tout le monde : LA BRINVILLIERS !!!!
  • « Ne criez pas comme ça, je ne suis pas sourde, je ne sais simplement pas de qui vous parlez et quelle importance cela peut avoir ».
  • Aucune importance, je suis bien d’accord avec elle…

Sûr et certain que s’il s’agissait d’une voisine reconnue empoisonneuse, cela aurait eu plus de charme. Mais j’ai renoncé quand j’ai évoqué la marquise de Sévigné…

  • « C’est qui ? je croyais que tu parlais de la…
  • « LA BRINVILLIERS !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! »
  • « Oui, mais c’était qui ? »

La vie n’est qu’un long calvaire…

J’ai renoncé à expliquer qui était madame de Sévigné, pourquoi elle écrivait beaucoup « que ça à foutre les aristos à l’époque », et donc pourquoi elle avait écrit une lettre à sa fille, concernant l’exécution de LA BRINVILLIERS !

Et la vie n’est qu’un long calvaire...

Suis-je bien française ?

République qui pleureJe commence à me poser sérieusement la question, devant les discours de nos chers (à tous les sens du terme), politiciens, qui briguent l’honneur de s’installer à la fonction suprême…

Tout ce que je retiens, c’est que la place doit être bonne, parce qu’ils la veulent cette place. Mais bien sûr, j’ai mauvais esprit : ILS NE PENSENT QU’AU BIEN DE LA FRANCE !!! (et jamais à leur gloire…)

Jamais depuis 1976 où j’ai eu enfin le droit de vote, vu que j’étais enfin majeure (et vaccinée) une campagne présidentielle ne m’aura autant fait CHIER !

Continuer la lecture de « Suis-je bien française ? »

Quand le destin ne veut pas : Virgil Gus Grissom

Gus GrissomEh oui, outre ma passion pour la seconde guerre mondiale (+ l’Egypte, l’antiquité, le moyen âge, la guerre de 100 ans, la renaissance, la révolution me gavant moyennement, Napoléon totalement…), j’ai toujours suivi de très près la conquête de l’espace… Beaucoup de films m’y ramènent, et je me souviens qu’à la fin de « la Guerre du feu », quand on voit les héros contempler la pleine lune, je me suis dis qu’il était écrit que l’on irait un jour y mettre les pieds… L’homme ne voit pas où il existe, il veut aller ailleurs, explorer, c’est en lui.

Je me souviens de la remarque désobligeante d’un de mes collègues de bureau : « mais ce sont des trucs de MECS ! » Continuer la lecture de « Quand le destin ne veut pas : Virgil Gus Grissom »

C’est l’été…

ALAPHILIPPE Emile 1913C’est l’été, et la Saint Jean a été comme de coutume : une grande fête dans le village. Il ne peut pas en faire abstraction, c’est lors de celle-ci qu’il a connu sa petite femme.

Son père n’arrête pas de décortiquer un évènement qui s’est produit le 28 juin 1914:


l’assassinat d’un grand-duc, quelque part, en Europe
. Qu’est-ce que la France, sa république, a à faire de cette mort certes tragique, mais bon, il y a tellement de morts tous les jours ?

Un archiduc est mort : il y en a bien un autre pour prendre la suite, et qu’est-ce que foutent encore en Europe des monarchies qui ne servent à RIEN ?

Son père qui n’arpente plus la forêt comme lui tous les jours,  commence à radoter grave en lisant les journaux, et n’arrête pas de lui parler de la « triple entente »: France, Royaume Uni, Russie. Et il peste, son père : que vient foutre la Russie, sous le régime des tsars, d’un ancien régime à terrasser, comme alliée de la France et de l’Angleterre  ? Il le lui demande et il ne sait pas répondre. Il s’en fout, il n’est pas concerné.

Son père n’arrête pas de parler également d’une triple alliance  : Allemagne-Autriche/Hongrie. Il se souvient de 1870, ses parents lui en ont assez parlé, d’avoir bouffé du rat, planqué chats et chiens, et volailles. Les boches, son père il les connait.

LUI PAS.

Il radote le vieux… Sauf le respect qu’il lui doit, et qu’il observe sans dire quoi que ce soit…

C’est l’été, la chasse sera bonne, la récolte également. On y met tout son coeur pour lui faire un petit frère ou une petite soeur au petit gars Henri qui cavale derrière lui…

Il a plu beaucoup. Lui et son fils ramassent les derniers mousserons de printemps, les tous premiers cèpes très en avance.

C’est l’été.

C’est le bonheur.

C’est la joie.

Il s’en souviendra de cet été 1914 qui portera forcément ses fruits…

Il est heureux. Car dans le ciel n’apparait pas l’orage qui se pointe. Longtemps après, il regardera sur les photos s’il y avait un signe, sur tous les morts figurants sur la photo de son mariage. Il n’en verra aucun…

Il ne verra non plus aucun signe sur lui : poumons gazés, l’horreur des tranchées, le triple éclat d’obus qui l’épargnera sans le laisser intact.

Aucun signe…

Les destins se doivent de rester muets. Tu ne sauras ni le jour ni l’heure, et tu ne sais pas que ton père, c’est Cassandre…

La vie n’est qu’un long calvaire..

 

C’est le printemps…

EmileIl ne travaille pas ce jour là, il se promène…

C’est le printemps qui explose dans la forêt, celle qu’il aime tant, qu’il a parcourue avec son père pendant toute son enfance. C’est le printemps de sa vie encore.

Tout va tellement bien, comment cela pourrait-il être mieux encore ?

Il est jeune, il est beau, il a une femme jeune et belle qui l’aime et qu’il aime, un fils qui promet… Continuer la lecture de « C’est le printemps… »

8 mai…

En hommage à tous ces millions de morts, qu’ils aient été dans le vrai ou dans le faux, simplement jetés dans la tourmente sans savoir pourquoi, massacrés pour rien, sacrifiés en vain, parfois revenus pour ne jamais oublier.

En hommage à tous ceux grâce auxquels nous pouvons parler d’un jour « férié ».

La sonnerie aux morts

The D.Day…. (pour l'anniversaire de mon blog)

Ils_ont_d_barqu__73441768Nous connaissons tous l’histoire, nous avons tous vu « le jour le plus long » au moins 3 fois. Nous savons que ce n’était pas le jour idéal et que sinon il fallait reporter d’un mois.

Les conditions météo étaient mauvaises (c’était un mois de juin pourri), mais à 0 H 15 commence l’opération « Overlord ». Enfin !

23 000 parachutistes lâchés sur la Normandie. A 3 H 14 c’est le bombardement aérien et à 5 H 30 la préparation de l’artillerie navale. A 6 H 30 les premières vagues d’infanterie d’assaut et de chars débarquent sur les plages d’invasion de la côte normande… Heure inhumaine et bien militaire : comment voulez-vous être à 100 % de vos performances éventuelles à 6 H 30 ? (c’est mon point de vue et je le partage, mais je sais que ce n’était pas sans raisons…)

130 000 hommes. Sur 17 km il y a un bateau tous les 70 mètres. Avec le jour naissant cette prodigieuse Armada se découvre. Des milliers de péniches de débarquement avancent, appuyées par 8 cuirassés, 22 croiseurs, 93 destroyers, 450 escorteurs et dragueurs, et 360 vedettes lance-torpilles. Quand les américains le veulent, c’est comme quand ils ne le veulent pas… (comme Albert, Albert étant nettement moins efficace que les américains quand ils le veulent…)

Il y a des ratés, des endroits où la plage n’est pas la bonne. C’est la boucherie du siècle sur certaines, qui fut enfin réellement révélée avec « il faut sauver le soldat Ryan », autrement moins propre comme film que « le jour le plus long » qui reste lui, regardable (si, malgré le parachutiste qui tombe direct dans un puit et un autre dans une grange en feu, les morts font propres et John Wayne est impatient et joyeux d’aller au combat)…

On revit à chaque fois le Pegasus Bridge « vous tiendrez jusqu’à ce qu’on vous relève », en imaginant l’angoisse des hommes : quand serons nous relevés ? Le travail de la résistance prête à se sacrifier, tout un monde qui aujourd’hui nous échappe.

Le soir de ce jour le plus long, 5 divisions américaines, 3 divisions britanniques, 2 divisions canadiennes ont débarqué entre l’Orne et la Vire. Il y a même des « bon dieu de merde d’Australiens » (je n’ai rien contre les australiens mais il paraît qu’à l’époque leurs soldats étaient très grossiers, et se prénommaient ainsi, étant en grande minorité).

Rommel est rappelé d’urgence. Il l’avait assez dit : « les 24 premières heures seront décisives ». Il avait raison, mais trop tard, et surtout sur les lieux du débarquement. Les allemands, Hitler, ne croyaient pas en la Normandie… Et quand l’offensive est vraiment connue, Hitler dort.

Après tant de combats, de fureurs, de douleurs, voici enfin venue la bataille de France, la bataille de la France, la vraie (pas celle de 40). Elle le sera, et les français présents sauveront l’honneur de la débâcle. Les troupes avançant péniblement vers l’est s’en rendront compte en entrant enfin en Allemagne : la résistance française les a beaucoup aidées sur son territoire. En Allemagne la percée est moins nette, plus difficile…

Ce sont aussi les petites histoires qui me sont chères.

Le papa de Mrs Bibelot, hurlant à sa femme étendant le linge dans le fond du jardin, au risque de se faire arrêter parce qu’il écoutait radio Londres « Ils ont débarqué ! ». Là il a commencé à apprendre à Mrs Bibelot à dire aux américains qu’elle rencontrerait « chocolate please »… Elle ne savait pas ce que c’était. C’est ce qu’elle a dit quand Rambouillet a été libéré, et elle a eu la première barre de chocolat de ses souvenirs, l’avant guerre, elle ne s’en souvenait pas…

Ce sont mes arrières grands parents se retrouvant avec tous les voisins dans la rue principale du petit village pour chanter la marseillaise et parfois danser…

Jean Poirotte se souvient aussi du « Ils ont débarqué« . Tout le monde se sentait sauvé tout à coup. Là bas en Allemagne, son père ne savait rien. Sa mère a pleuré un coup (je tiens d’elle, une vraie fontaine), mais tout le monde était content (voir paragraphe précédent). Quand il a vu ses premiers américains également, il a reçu tout un tas de trucs à boulotter et n’a pas compris ce qu’était un chewing gum sur le coup (j’imagine bien la surprise des mômes)… Pendant ce temps là, son grand père en « Marcel » découvrait le « T shirt » qui protège les épaules du coup de soleil cuisant, avec envie…

Mais je laisse la parole à Tom, brancardier américain, qui avait connu une jolie infirmière française et s’est implanté en France, dans le petit village de mon enfance que je fréquente toujours, sans jamais perdre son accent terrible. Tom était brancardier pendant le débarquement et après… Un soir de cuite, il a parlé…

« La mer moussait rose… L’écume était rose de sang, il y avait du je ne sais quoi et je ne voulais pas savoir, qui flottait sur la marée montante puis descendante. Partout, des hommes parfois coupés en deux, atrocement mutilés, ou amputés d’un membre et perdant leur sang, criant, hurlant, et appelant leur mère… Nous n’avions déjà plus de morphine. Nous avions tous fait sous nous, après avoir vomi de trouille dans nos casques dans la péniche. Il y avait de la tripaille partout, de la cervelle sur la plage, des bras et jambes arrachés ça et là. Aucun mort propre sauf certains, semblant dormir, les pires… Combien avons nous laissé d’encore vivants sur cette maudite plage ? Ils avaient l’air morts mais ne l’étaient pas forcément… J’ai sû après qu’on en avait enterré d’encore vivants sans le savoir (véridique)… Trop pour ma conscience… Nous étions trop peu nombreux pour tous ces blessés. Brancardier ce n’était pas la planque, j’ai pété la gueule de tous ceux qui ont prétendu le contraire, jamais de quelqu’un d’autre »…

Non, brancardier Mr Tom on le sait que ce n’était pas une sinécure. Hommage à toi.

Et hommage à tous ceux qui sont morts ce jour là. Juste pour débarquer. La suite allait être longue. Songez qu’il y a des hommes qui ont débarqué le 6 juin 1944 et sont allés jusqu’au 8 mai 1945. Sont-ils rentrés complètement intacts chez eux ces vainqueurs ?

Et ce jour s’éloigne de plus en plus… Il reste des survivants bien sûr. Mais pour combien de temps ? Un jour viendra où pour nos enfants ou petits enfants, ce sera juste une date, et non pas des histoires racontées par ceux qui ont vécu cette époque, me l’ont racontée, ainsi qu’à d’autres.

Car Mrs Tricot regardait vers l’est où son mari était toujours emprisonné, Tante Alphonsine également se tournait vers cet est dans lesquels, dans le brouillard, ses fils étaient partis, et toute la famille vers Robert qui ne reviendrait pas mais on ne pouvait pas le savoir, car tout le monde respirait déjà un peu de liberté à l’avance. Et restaient pour certains, à venir, l’horreur d’apprendre ce qu’il s’était passé à Tulle, à Oradour, ailleurs. La nuit noire après l’espérance, la peur revenue de l’avenir, justifiée.

Quand on se souvient du souvenir de ceux qui ont vécu cette période, il était vraiment nécessaire pour eux de mettre l’Allemagne à genoux pour enfin en terminer. Non avec plaisir ou sadisme, mais pour protéger le futur…

Réédition d’un post de 2007

Et sinon, mon blog a aujourd’hui 6 ans et j’ai un peu honte de le dire face à ce que ce jour représente… Cette année là je n’avais pas réalisé que je mettais en ligne mon premier post à cette date commémorative…

J’étais furieuse de travailler le lundi de Pentecôte…

Promis Monsieur le Juge : je ne le ferai plus !!!