Le somnambulisme et moi (je… d’abord) (1)

SomnambulismeLe somnambulisme fait souvent sourire, et l’image qui illustre mon article est à cent lieux de la vérité. Je sais de quoi je parle : je suis traitée contre ce que la médecine appelle gentiment « les déambulations nocturnes ».

Je bondis régulièrement en lisant des articles qui prétendent que c’est anodin, que cela passera, qu’il n’y a rien à faire.

Je proteste avec la dernière énergie. Mais je vais commencer par le début.

Ma première crise a eu lieu quand j’ai sauté une classe, passant du CP au CE2, traumatisme dont je ne me remettrai sans doute jamais concernant pas mal de points de vue, cherchez l’erreur.

Un beau soir, papa qui était couche tard, avec des réveils forcément difficiles, me vit arriver dans le salon où il lisait, en train de lui raconter n’importe quoi. Il ne réalisa pas tout de suite ce qu’il se passait. Lui, enfant, avait fait des crises de terreurs nocturnes quand il avait de la fièvre, et une de ses soeurs hurlait parfois dans son sommeil la nuit, mais jusqu’à présent ses enfants allaient bien. Après un « c’est bien ma chérie, tu peux retourner te coucher », il entendit un bruit suspect dans le couloir, une porte de placard s’ouvrant, un raffut anormal.

Alerté il se leva. Le placard du couloir était le placard des parents, et j’étais couchée, en pleurant, sur les chaussures. Il tilta immédiatement.

  • « Coraline, où es-tu ? »
  • « Dans mon lit (sanglots) mais je n’arrive pas à me coucher bien, je ne retrouve pas mon drap, ma couverture ».

Il me pris la main, et alla me recoucher vraiment, en me donnant un verre d’eau. Boire me réveilla, et en pleurant, je me rendormis, le laissant perplexe. Il avait bien raison le pauvre, car désormais, chaque soir, il me voyait débarquer, les yeux grands ouverts, parlant normalement ou de manière accélérée. Le « tu peux retourner te coucher » fut suivi d’échecs cuisants :

  • Il y a eu la fois où, sans doute me croyant aux toilettes, j’ai ouvert la porte d’entrée et pissé sur le paillasson. Il est arrivé trop tard.
  • Une autre fois où je m’étais couchée dans la baignoire qui n’était à l’époque qu’un « bac à laver », me heurtant de tous les côtés, car je me croyais moi, dans mon lit : première bosse.
  • Il y a eu la fois où j’ai bien retrouvé le chemin de ma chambre, mais me suis couchée par terre, en hurlant qu’on m’avait volé mon lit…
  • ETC…

Le médecin, alerté, décida de me donner du Phenergan, car c’était tous les soirs ou toutes les nuits, que je faisais n’importe quoi, et papa n’était pas toujours encore à lire. Je ne sais pas ce qu’est devenu ce médicament, mais il s’est avéré à l’usage qu’il fallait augmenter  les doses tout le temps. Maman finit par décider de tout arrêter.

Mes hurlements, car j’avais réussi à me coincer sous le canapé, papa n’y lisant pas, alertèrent tout l’immeuble une belle nuit. Encore heureux si je ne réveillais pas mon frère ou ma soeur (nous étions 3 dans la même chambre et NOUS AVONS SURVECU) pour les flanquer par terre, je devenais  violente. On passa au Valium.

Assez étrangement je me souvenais vaguement de ces crises. J’appelais cela « me lever » J’en gardais un souvenir vague, mais juste de mes promenades, jamais de ce qui les avait déclenchées. Cela n’arrivait jamais pendant les vacances, ou le samedi soir :  le stress de l’école, de la pression que je subissais pour être toujours la première devait jouer mais personne ne s’en préoccupa à l’époque.  Le lendemain matin je demandais à maman « je me suis levée hein ? » et elle répondait que oui.

Parfois, je me souvenais vaguement de ce qui me tracassait, qui revenait régulièrement. Je rentrais dans la chambre de mes parents en train de lire, et je voyais des ballons exploser autours d’eux ce qui me terrorisait et me faisait hurler. Le jour où l’on me répéta que j’avais parlé de ballons, le cauchemar cessa. Une autre fois, mon frère qui dormait à l’étage d’un lit superposé, me dit le lendemain que je lui avais retiré ses draps en cherchant « un germe ». Le cauchemar cessa.

Il fallu le top, alors que j’étais en 5ème, alternant Phenergan et Valium, pour que l’on prenne de vraies mesures.

Maman fut réveillée par le bruit de la porte d’entrée claquant. On ne pouvait pas l’ouvrir de l’extérieur. Le temps d’émerger, elle alla voir dans notre chambre : je n’y étais pas ni nulle part ailleurs dans l’appartement. Dans la cuisine un bol de chocolat bu, le gaz toujours allumé avec une casserole dessus en train de cramer, des miettes sur la table mais le beurre bien remis au frigo et le pain rangé, et moi, nulle part. Elle réveilla papa qui partit à ma recherche car il était 3 H du matin.

Je m’étais levée, j’avais pris mon petit déjeuner, j’avais mis mes affaires toujours préparées la veille au soir par maman,  et j’étais partie au collège que l’on appelait encore le lycée dès la 6ème, enfin c’est ce qu’ils supposèrent.

Pour cela il m’avait fallu descendre à la cave prendre mon vélo, et papa retrouva non sans frayeur la cave bien refermée, mais sans vélo. J’étais partie… A 3 H du matin, leur fille aînée était quelque part dans la nature sur son vélo… Sans doute sur la route du collège.

Fort heureusement il eut l’idée d’aller jusqu’au bout du couloir de la cave avant de prendre sa voiture. J’étais là, les yeux grands ouverts, hallucinée, balbutiant « je ne peux pas aller au lycée, je suis trop fatiguée ».

On me l’a raconté, mais je ne m’en souviens pas. Il me ramena à la cave, rangea mon vélo, et me remonta dans ses bras à l’appartement. Il parait que je me suis rendormie sans moufter, dès que mes parents après m’avoir remise en pyjama me recouchèrent.

Ce fut ma première journée d’absence sans température, maman ayant dès le matin appelé le médecin.

Si je commençais à aller me promener la nuit, à aller au lycée à 3 H du matin, où allions nous ?

Ils avaient peur. J’aurais pu partir tout de  même, rencontrer n’importe quoi, n’importe qui, me perdre, me rendormir dans un fossé, n’importe quoi, faire partie des faits divers…

Le médecin prescrivit je ne sais plus quoi, et maman n’est plus là pour me  le dire, et l’appartement fut entièrement sécurisé, rapport au gaz, à la porte d’entrée, aux fenêtres et porte-fenêtres (nous étions au 5ème), et une alarme fut mise en place pour réveiller les parents si jamais la porte de notre chambre était ouverte. Parce que le « je ne sais pas quoi » était quasi moins utile que le Valium alternant avec le Phenergan…

La vie n’est qu’un long calvaire, car vous l’avez compris, il y a forcément une suite !

Et jamais je ne me suis promenée comme sur la photo. Cela aurait peut-être alerté mes parents bien plus tôt.

 

 

 

4 réponses sur “Le somnambulisme et moi (je… d’abord) (1)”

  1. Ah oui, quand même!!
    Mes rares divagations nocturnes (réveillée, droite dans le lot, la lumière allumée) laissaient mes parents interrogateurs, plutôt qu’inquiets!
    Et est-ce que vous, cela vous inquiétait/inquiète?

  2. Jamais eu ce genre de problème! D’autres, mais pas celui-là! J’espère que maintenant, tu dors mieux et ne te promène plus la nuit. Bises.

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