Le somnambulisme et moi (je… d’abord) (3)

SomnambulismeJ’étais toujours une somnambule « soignée sans grands résultats »,  le médecin constatant que les lieux où je dormais avaient visiblement de l’importance, car nous revenions de Bretagne (que j’adore) où je m’étais levée toutes les nuits,  quand il se passa quelque chose d’important dans ma vie : mes premières règles, et maman se  contrefichant royalement de ma gêne, quand elle proclamait à tout le monde (était-ce important pour le pharmacien ? le poissonnier ? le boucher ? etc ? ) « c’est une jeune fille maintenant ! « On me complimentait, j’étais rouge de honte.

Pour les filles j’ai évité de clamer la nouvelle, sauf dans la famille en demandant à ce qu’on évite les compliments. Maintenant il paraît que ces demoiselles informent elles-mêmes tout le collège, et finalement, c’est tant mieux.

A partir de ce moment là, les déambulations nocturnes cessèrent TOTALEMENT. Même malade, avec de la T° (rarement) je dormais du sommeil du juste et j’avais perdu ma peur d’aller me coucher, ma peur de « me lever ». Cela dura longtemps.

On peut dire que la formation m’a miraculée sur le plan du somnambulisme, et je ne pouvais imaginer que la déformation pourrait le faire revenir. C’est rare, mais c’est ainsi.

Un an après mes dernières règles je me suis réveillée un beau matin en me demandant pourquoi j’étais aussi mal installée. Je ne voyais rien (évidemment, j’avais débranché le radio réveil), je ne trouvais pas de lampe à allumer, j’étais perdue, avec une envie de faire pipi abominable. Il me fallut attendre le lever du soleil, pour distinguer ma porte de chambre. C’était l’été heureusement…

  • J’avais déménagé mon matelas, et l’avait mis par terre, d’où mon inconfort et l’impossibilité d’ouvrir ma porte de chambre.
  • J’ai réussi à pousser ce fichu matelas, pour aller faire ce que j’avais à faire, et après, constater les dégâts.
  • J’ai remis mon matelas en place, sans aucun souvenir de l’avoir déplacé.
  • J’ai constaté qu’une étagère sur laquelle j’entreposais des flacons de parfum était vide. Les flacons étaient bien alignés sur le rebord de ma fenêtre, à l’extérieur.
  • En bougeant mon matelas j’avais foutu en l’air ma lampe, mon radio réveil, ma table de nuit, j’ai tout remis en place.
  • J’ai cherché mes chaussons pendant deux jours pour les retrouver par hasard, dans le congélateur ( ! )
  • Et je me suis dis « merde, ça recommence ». A 54 ans j’en étais revenue au point de départ, sans avoir pour autant rajeuni en apparence, ce qui est totalement injuste, et sans espoir d’amélioration…

C’était anodin et plutôt marrant. En gros par la suite je me suis pétée 5 fois des côtes (par 2 c’est mieux), ruiné le visage  plusieurs fois, sans doute sur la moquette sans retrouver aucune trace (sauf sur ma tronche), j’ai même pété de la vaisselle, et toujours, toujours, je retrouvais quelque chose d’inhabituel dans le congélateur.

Acromion qui me suivait encore à l’époque, se déclara forfait, et m’adressa à un centre spécialisé dans les troubles du sommeil.

La charmante femme qui me reçut sembla insensible à mes côtes pétées, et mon visage pour moitié crouteux. Elle avait pire (ah bon, c’est possible ?) Un patient, réveillé à 200 km de chez lui, en sens inverse sur l’autoroute., par des flics qui avaient mis du temps à comprendre qu’il dormait. Le malheureux était comme moi, sa femme veillait normalement sur lui, mais manque de bol, elle venait d’accoucher…

Moi ce jour là, je n’avais mal que quand je respirais…

  • Une nuit sous surveillance : non, hors de question, dans la mesure où une crise ne se déclenche jamais quand on a des électrodes partout, que l’on est dans un environnement inhabituel, ce que le cerveau a parfaitement enregistré.
  • Un traitement : OUI ! Anxiolytiques ET somnifères. Elle faisait une lettre au médecin conseil. A la longue, les somnifères ne vous font plus dormir, mais ils vous empêchent de « déambuler nuitamment », la cause de ces déambulations restant mystérieuse.
  • Malheureusement, j’ai quelques fois, oublié de prendre mon traitement du soir. Coup gagnant à chaque fois !

Je ne parlerai que de la dernière fois, en avril. J’avais pu coincer le médecin de maman à St Rémy les Chevreuses, qui ne m’avait pas épargnée. Ma mère était foutue, vraiment, cela ne se soignait pas, c’était trop rare, ses troubles de la concentration venaient de sa maladie, de manière sporadique. Il lui donnait 6 mois maximum en se trompant de 2 mois.

Je le savais que pour maman c’était foutu. J’avais Pulchérie et tatie chérie qui le savaient aussi. Les autres espéraient toujours. Comment leur en vouloir ?

J’ai oublié, ayant pleuré toute la soirée, mes médicaments, pour me réveiller, telle un boxeur, KO.

  • 2 serviettes de toilette dans mon lit, pleines de sang,
  • L’impression d’avoir été massacrée.
  • Me lever péniblement, tout tournait autours de moi
  • J’avais un oeil au beurre noir inimaginable,  j’ai été obligée de m’ouvrir les paupières à gauche, pour constater que mon oeil voyait toujours.
  • Une énorme tache de sang dans l’entrée, des torchons rougis un peu partout (dont deux dans le congélateur).
  • J’étais totalement sonnée avec une bosse énorme sur la gauche du crâne, et c’est quand l’arlésienne m’a téléphoné que j’ai découvert qu’en plus j’étais aphone…
  • Je saignais toujours de la tempe, il m’a fallu appuyer dessus avec de la glace pour que cela cesse.
  • J’ai été KO 6 jours, avant de me traîner chez mon médecin qui s’est occupé de mes cordes vocales (je ne savais pas qu’un choc physique pouvait occasionner une telle aphonie).
  • Je ne pouvais pas aller voir maman, prévenue par l’arlésienne. Je passais mon temps sur mon canapé, à voir tout tourner autour de moi. Impossible de conduire.
  • Et le vendredi, je signais, en lieu et place de maman, chez le notaire l’achat de l’appartement qu’elle n’occuperait jamais… Avec des lunettes de soleil, cela donne un genre.

Il m’aurait fallu les urgences sans doute. Mon médecin a constaté après, que je me m’étais fracturé l’arcade sourcilière gauche (m’ayant retiré devant deux boutons suspects, deux esquilles d’os), et peut-être le crâne, mais le diagnostic est venu trop tard, tellement je voulais retrouver un filet de voix quand je l’avais consulté la première fois..

3 semaines avec le cocard de la femme battue, que je dissimulais avec des lunettes de soleil, tout ce sang perdu, et on va me dire, et je vais lire que le somnambulisme, CE N’EST RIEN ! QUE CELA VA PASSER ! QU’IL N’Y A RIEN A FAIRE !

S’il n’y a rien à faire, pourquoi mon traitement bloque-t-il les crises ? Pourquoi les centres spécialisés s’occupent-ils des adultes somnambules parfois depuis leur plus tendre enfance, sans miracle de la puberté ?

Je suis condamnée jusqu’à la fin de mes jours à un traitement que le médecin conseil approuve tous les ans. Je ne saurais jamais ce que j’ai pu faire cette nuit là. Je suis condamnée à ne pas dormir avec une fenêtre ouverte, à planquer mes clefs de voitures et d’appartement tous les soirs, enfin, à les ôter de leur endroit « habituel ».

Le somnambulisme nous vole une part de notre vie. Il peut nous la prendre : j’aurais pu me tuer ce vendredi là. Il peut prendre celle des autres : voir ce pauvre homme roulant la nuit, sans le savoir !

Quand je pense à tout ce qu’il m’est arrivé avant la mise en place d’un traitement qui marche, quand je pense à toutes les conséquences qu’auraient pu avoir mes « déambulations nocturnes »… Je pourrais être borgne, défigurée, j’ai juste les côtes fragiles (on se demande pourquoi !)

Et grande nouvelle : si je devais être hospitalisée, on ne me donnerait pas ce traitement « comme ça ». Je dois toujours avoir mon ordonnance sur moi. On attendrait sans doute que j’aille me paumer quelque part, avant de réagir. C’est arrivé à un malade à Rambouillet, que l’on a retrouvé dehors en plein hiver, in extremis…

Après mon opération de l’appendicite, à un moment où les patients se tiennent immobiles, je déambulais dans les couloirs.

C’est ce qui me perturbe le plus : la douleur ne me réveille jamais. C’est quoi cet état dans lequel nous sommes, qui fait que nous arrivons à nous recoucher, sans souffrir quand nous nous blessons ?

C’est QUOI CETTE MERDE ?

Si votre enfant se lève pour vous raconter n’importe quoi, restez vigilant. Un jour, Delphine partait au collège à 3 H du mat.

Parce qu’en plus, c’est héréditaire… MAIS une autre histoire…

 

6 réponses sur “Le somnambulisme et moi (je… d’abord) (3)”

  1. Je pense que tu prends bien ton traitement. Je n’aimerais pas apprendre que tu es passée par la fenêtre ou que tu conduis à contre-sens.
    Et un traitement jusqu’à la fin de tes jours n’est qu’un moindre mal. Nous sommes nombreux à en prendre un pour une raison quelconque. Pour ma part, je m’estime chanceuse de pouvoir avoir ce traitement qui contrebalance ma tension trop importante sinon. Il y a quelques décennies, je n’aurais pas eu ce traitement et je ne serais plus là depuis belle lurette!
    Un gros et amical câlin.

  2. Angele : je fais ce que je peux. Ce jour d’avril j’étais vraiment traumatisée, et je l’ai oublié. J’étais tellement fatiguée d’avoir pleuré, que j’ai pensé stupidement que je n’en avais pas besoin…
    Ce que je prends le matin pour la tension, par contre n’est jamais oublié…

  3. J’étais à cent lieues de penser que le somnambulisme puisse prendre une telle ampleur, ou que le sommeil pendant tes déambulations soit si lourd que même une forte douleur ne te réveille pas. Merci pour ce partage. J’espère sincèrement que tu retrouveras (sans traitement lourd) un sommeil serein.

  4. Ouf ! N’ayant jamais côtoyé de somnambule, pour moi c’était un peu rigolo, tout à fait l’image qui illustre ton récit.
    Rien à voir effectivement, c’est mouvementé chez toi…
    Surtout mets une alarme pour ne pas oublier tes médicaments, sait-on jamais ce qui peut encore t’arriver, apparemment tu t’es ratée de peu la dernière fois.

  5. Princesse : le somnambulisme est très invalidant. Peur d’aller dormir en premier lieu, interdiction d’habiter à un étage dangereux, obligation de garder fenêtres ouvertes l’été, etc… Les blessures que l’on peut s’occasionner ne réveillent pas ce qui rend les spécialistes dubitatifs : est-ce du sommeil profond ou paradoxal, etc…
    Je ne retrouverai jamais un sommeil serein, car plus jamais je ne pourrai oublier mes médicaments. C’est lourd, j’en conviens, mais le moins pire a été de me retrouver à poil en plein hiver sur mon balcon de cuisine… Le pire a été de m’ouvrir le ventre. Il m’a fallu 8 jours pour retrouver une cuvette plastique que j’avais cassée, et sur laquelle j’avais du me coucher… Et j’en passe, la terreur de mon médecin étant que je ne fasse une crise en ayant pris mon traitement, car là, ON ne saura plus quoi faire…

  6. Gisèle : je me suis ratée de peu plusieurs fois, surtout avant de consulter une spécialiste. Je ne parle pas d’aller quelque part à 2 ou 3 H du matin, en se croyant ailleurs que là où l’on est : quel tordu pourrions-nous rencontrer ?

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