Ainsi tout se termine, ou tout commence (allez savoir…)

C’est ainsi que je voulais me souvenir de lui, le cavalier, l’amoureux des chevaux, le maréchal ferrant, le beau gosse. Combien de fois ai-je pu m’énerver quand on me disait : « Oh cela existe encore ? ».
Eh oui Ducon, tu crois qu’ils se ferrent seuls tes chevaux quand tu vas à l’écurie le dimanche pour faire bien ? Tu crois que les chevaux de courses se soufflent sur les jambes pour se mettre les sabots à jour ?

Il les aimait, il aimait les monter, il faisait corps avec eux, c’était un cavalier né, dont le premier amour contrarié, avant sa rencontre avec mon ex belle-soeur, mère de 3 de mes neveux et nièces a été un cheval.

Il allait régulièrement chez l’héritière d’une grande marque de lessive et s’était pris d’amour d’un cheval : Escaut. Pour rien il montait les deux chevaux de l’écurie, mais surtout celui là, et s’occupait des écuries tout jeune homme encore adolescent sans aucune rétribution. Un jour il avait voulu amener son chéri voir notre grand père paternel qui, ayant été dans l’artillerie (60 chevaux par canon de 75) aimait lui aussi ces amis à nous dont je ne pourrais jamais manger la viande. Mon grand-père avait été ému par ce cheval ayant bu, mais hennissant constamment pour retrouver son chéri. qui le rassurait souvent par la fenêtre de l’étage.

Qu’elle joie pour le cheval de retrouver mon frère : mon grand père peu émotif en apparence, à le voir comme cela, en avait eu les larmes aux yeux de cette union évidente entre le cheval et mon frère quand ce dernier était enfin descendu rejoindre son grand amour.

Chéri trahi un jour par la propriétaire qui lui avait demandé d’aller emmener le cheval chez quelqu’un. Un quelqu’un qui devait l’acheter, mais elle n’en avait rien dit. Première trahison et première grosse perte.

Il y en a eu d’autres, mais l’équitation, à la sauvage en Camargue ou plus policée, n’avait aucun secret pour lui. Il a rencontré sa première femme dans un manège comme par hasard, et là l’arlésienne marmonnait « moi aussi j’aime les croûtes de pain, il n’y a pas que Fantaisie (la jument en cause) qui existe au monde » (tout comme il n’y avait pas que la chienne qui aimait les croûtes de fromage…)

Obligé un jour de choisir entre son propre cheval et l’entretien de son dernier fils, il ne fit pas un pli, non sans un gros sur le coeur, veillant à ce que son cher cheval ne termine jamais à la boucherie. Dignes descendants des gaulois qui auraient pu tenir jusqu’à l’arrivée des secours dans Alésia s’ils avait daigné manger du cheval, dans la famille c’est niet (autant que manger du chien ou du chat, pardon aux lapins culturels pour nous).

Il hurlait toujours quand quelqu’un prétendait que la viande de cheval était plus nourrissante que n’importe laquelle, et déclarait préférer bouffer du poisson ou des oeufs.

Et puis le temps a coulé, le dos trinquait des ferrures répétées, l’amour du cheval en prenait un coup, s’en occuper aussi. Alors sa fierté jouant, il a préféré dire qu’il s’en foutait totalement.

Bref.  Je ne suis pas rigolote, mais de  l’avoir vu ainsi, sur cette photo posée sur son cercueil m’a ramené des millions de souvenirs, surtout ceux de ma découverte du cheval, en Camargue, de notre jeunesse.

Notre enfance j’avais eu une semaine pour m’en souvenir.

C’était mon petit frère, un bel homme, un cavalier de nature, un père également même si en quittant la mère de ses 3 premiers enfants, il n’a fait que ce qu’il pouvait pour eux, se laissant aller à l’époque. Mais personne n’a envisagé une dépression possible, car son dos n’allait pas lui laisser le choix.

Abandonner les chevaux par obligation avait brisé quelque chose en lui. On le lui dirait aujourd’hui…

Il est tout à coup devenu le petit frère pas drôle, l’oncle à la main trop leste, l’homme finalement aigri par un destin contraire, refaisant sa vie loin du cheval à tout jamais, pour toujours.

Il s’est concentré sur sa dernière fille et son éducation, sa culture, et je ne sais pas s’il lui parlait cheval de temps à autres…

Il aimait ses enfants et il nous aimait tous. Il a préféré  nous taire qu’il  n’en avait plus que pour peu de temps. Orgueil ou désir de rester face à lui-même et méditant sur sa vie ? Nous ne saurons pas.

Alors j’aime cette photo, de lui au galop, ignorant comme nous tous, le destin qui va fatalement s’accomplir, et de manière curieuse.

Maman est morte le 28 août, il était du 28 octobre, il est mort le 28 mai, comme si maman en mourant avait commencé  vis à vis de lui une grossesse à rebours. Et les aléas de l’enterrement ont fait qu’il a été inhumé le 4 juin date anniversaire de la naissance de maman.

Hasard ?

Il n’existe pas… Tout est écrit dans une grande horloge, mais nous ne la comprenons que quand le fait est accompli, inexorable.

Tellement de voyants ont essayé vraiment de la décrypter, que moi, pauvre mortelle non matheuse, je  renonce.

Mais ma propre mort est écrite quelque part dans les archives de la famille. On comprendra APRES !

Pourquoi vouloir savoir ?

Je n’ai pas enterré mon frère aujourd’hui, je l’ai fait enfin revivre en moi, en pleurant certes, mais avec de tellement beaux souvenirs d’enfance et de jeunesse que ce n’était pas des larmes de chagrin….

Tu peux galoper tant que tu le voudras désormais,  personne ne t’en empêchera !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

8 réponses sur “Ainsi tout se termine, ou tout commence (allez savoir…)”

  1. Cet amour que l’on ressent dans tes phrases, cet amour-là vivra toujours et restera dans ton cœur.
    Il a retrouvé ses parents et ses chevaux. Il est jeune à jamais.
    Un gros câlin.

    1. Angele : pourtant dès qu’il a su qu’il était perdu, nous n’avions plus de rapports, il ne répondait pas à mes textos, sauf une fois « TVB » 🙁
      Tous ceux qui l’aimaient le gardent dans leur coeur. J’aime à penser qu’ailleurs, nous sommes toujours jeunes.
      Quand je rêve de mes parents, ils le sont toujours…
      Lui aussi l’est…

    1. manoudanslaforet (tu ne peux pas faire plus simple ???) C’est mon hommage tout à fait personnel, vraiment le mien. J’aurais pu parler de l’enfance et toutpuistout, mais cette photo m’a parlé…

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